L’Encyclopédie/1re édition/EPICIER
EPICIER, s. m. On appelle à Paris le corps d’Epiciers, celui des six corps de marchands où se fait le commerce des drogues, & autres marchandises comprises sous le nom d’épicerie : il est le second des six corps, & a rang après celui de la draperie.
Le corps d’Epicerie est partagé en Apothicaires & Epiciers, & ces derniers en Droguistes, Confituriers, & Ciriers ou Ciergiers ; ensorte qu’il y a cinq sortes de marchands dans ce corps. Il est gouverne par les mêmes maîtres & gardes, & régi par les mêmes lois. Ces maîtres & gardes sont au nombre de six, trois apothicaires & trois épiciers. Les plus anciens de ces deux corps actuellement en charge, sont appellés grands-gardes ou présidens. Leur préséance est alternative. Tous les ans, après la saint Nicolas leur patron, on élit deux nouveaux gardes, un épicier, & l’autre apothicaire. Cette élection se fait dans le bureau, en présence du lieutenant général de police, du procureur du roi du châtelet, & d’un greffier : les Apothicaires & les Epiciers sont de l’assemblée : tous les épiciers qui ont passé par la charge de garde, y ont entrée, avec quarante autres qu’on appelle des mandés, tirés des modernes & des anciens. On n’est jamais deux fois mandé de suite. Les gardes-épiciers sont élus avec les Apothicaires, qui nomment seuls ceux de leur art. La fonction de ces gardes est de tenir la main à l’exécution des statuts & réglemens ; de faire au moins trois visites par an, & de faire en outre des visites générales chez tous les marchands, maîtres des coches, &c. pour confronter les poids & les balances. Il n’y a que les marchands des cinq autres corps qui soient exempts de ces visites. Il n’y a que les Epiciers qui puissent la faire, parce qu’ils ont de tout tems eu des étalons de poids en dépôt. Ils les doivent encore faire vérifier de six ans en six ans par la cour des monnoies, sur les matrices originales. L’un des gardes est encore chargé de la dépense commune ; successivement un apothicaire & un épicier, qui rend son compte tous les ans devant les gardes en charge & les anciens qui l’ont été. Nul ne peut être reçû dans le corps d’Epicerie, qu’il ne soit françois, ou naturalisé par lettres-patentes. Pour être apothicaire il faut avoir fait quatre ans d’apprentissage, & avoir six ans de service chez les maîtres ; il n’y a qu’eux qui soient obligés au chef-d’œuvre. Les épiciers aspirans doivent avoir fait trois ans de compagnonage, & six de service. Les veuves des uns & des autres peuvent, en viduité, exercer le commerce de leurs maris, avec un garçon approuvé par les maîtres & gardes : elles ne peuvent faire d’apprentis, ni donner leur boutique à un garçon sous leur nom, à moins qu’il ne demeure avec elles. Les épiciers qui ne sont point droguistes, ne peuvent vendre aucune marchandise d’Apothicairerie. Les drogueries & épiceries sont d’abord, avant la distribution générale, déposées au bareau, & examinées par les gardes.
Leurs statuts ont été confirmés par lettres patentes de plusieurs de nos rois, entr’autres de Henri IV. en 1594, & de Louis XIII. en 1611 & en 1624. Dans les cérémonies publiques les gardes de ce corps ont droit de porter la robe de drap noir, à collet & manches pendantes, bordées & parementées de velours de la même couleur. Cette robe est la consulaire, & commune aux maîtres des cinq autres corps. Un épicier qui est garde, ou qui l’a été, décédant, les maîtres en charge sont obligés d’assister à son service & enterrement ; les quatre plus jeunes portant le poile, & les deux grands suivant immédiatement le corps, accompagnés des quatre courtiers du corps menant le deuil. La même cérémonie s’observe à l’égard des femmes, veuves ou non. Le bureau fournit le poile & six chandeliers d’argent, six flambeaux de cire blanche ornés des armoiries du corps, les Apothicaires & les Epiciers en ayant qui leur sont particulieres. Dictionn. & réglem. du Commerce.