L’Encyclopédie/1re édition/EPHOD

EPHOD, s. m. (Histoire sacrée.) ornement sacerdotal en usage chez les Juifs. C’étoit une espece de tunique fort riche, à l’usage du grand-prêtre ; mais il y en avoit de plus simples pour les ministres inférieurs.

Ce mot est hébreu, & il vient de aphael, qui signifie habiller. Les commentateurs & les interpretes sont fort partagés sur la forme de l’éphod ; voici ce que dit Josephe de celui du grand-prêtre : « L’éphod étoit une espece de tunique raccourcie, & il avoit des manches : il étoit tissu, teint de diverses couleurs & mêlangé d’or, & laissoit sur l’estomac une ouverture de quatre doigts en quarré, qui étoit couverte du rational. Deux sardoines enchâssées dans de l’or, & attachées sur les deux épaules, servoient comme d’agraphes pour fermer l’éphod : les noms des douze fils de Jacob étoient gravés sur ces sardoines en lettres hébraïques ; savoir, sur celle de l’épaule droite les noms des six plus âgés, & ceux des six puînés sur celle de l’épaule gauche ». Philon le compare à une cuirasse, & S. Jerôme dit que c’étoit une espece de tunique semblable aux habits appellés caracalle ; d’autres prétendent qu’il n’avoit point de manches, & que par-derriere il descendoit jusqu’aux talons.

Il y avoit deux sortes d’éphod ; l’un étoit commun à tous ceux qui servoient au temple, & étoit fait seulement de lin ; c’est celui dont il est fait mention au premier livre des rois : l’autre fait d’or, d’hiacynthe, de pourpre, de cramoisi & de fin lin retors, étoit uniquement à l’usage du grand-prêtre, qui ne pouvoit faire aucune des fonctions attachées à sa dignité, sans être revêtu de cet ornement. On voit dans le II. livre des Rois, chap. vj. vers. 14, que David marchoit devant l’arche revêtu d’un éphod de lin ; d’où quelques auteurs ont conclu que l’éphod étoit aussi un habillement des rois dans les cérémonies solennelles.

On trouve dans le livre des Juges, chap. viij. vers. 26, que Gédéon, des dépouilles des Madianites, fit faire un éphod magnifique qu’il déposa à Ephra, lieu de sa résidence ; que les enfans d’Israël en abuserent jusqu’à le faire servir d’ornement aux prêtres des idoles, & que ce fut la cause de la ruine de Gédéon & de toute sa maison. Les sentimens sont partagés sur cet éphod : les uns veulent que Gédéon ne l’ait fait faire que pour être toûjours en état de recevoir, même chez lui, les ordres de Dieu par l’organe du grand-prêtre ; ce qui n’étoit pas défendu par la loi : d’autres prétendent que cet éphod n’avoit rien de sacré, mais que c’étoit un vêtement de distinction dont Gédéon, en qualité de juge & de premier magistrat de la nation, avoit dessein de se servir dans les assemblées & les cérémonies publiques. Ses descendans n’eurent pas les mêmes idées : ils en abuserent par des pratiques idolatres ; car l’éphod n’étoit pas inconnu parmi les payens. Il paroît par-Isaïe qu’on revêtoit les faux-dieux d’éphods, peut-être lorsqu’on vouloit consulter leurs oracles. (G)