L’Encyclopédie/1re édition/EPÉE

EPEICHE  ►

EPÉE, s. f. (Escrime.) arme offensive qu’on porte au côté, enfermée dans un fourreau, qui perce, pique & coupe, & qui est en usage chez presque toutes les nations. Elle est composée d’une lame, d’une garde, d’une poignée & d’un pommeau ; à quoi l’on peut ajoûter la tranche de la garde, le fourreau, le crochet & le bout. Voyez Garde, Fourreau.

La lame est un morceau de fer ou d’acier qui a deux tranchans, deux plats, une pointe, & la soie.

Le tranchant (en terme d’escrime le vrai tranchant) est la partie de la lame avec laquelle on se défend ; c’est celui qui est du côté gauche de la lame, quand on a l’épée placée dans la main.

Le faux tranchant, est celui dont on fait rarement usage, & qui est du côté droit de la lame.

Le tranchant se divise en trois parties, qu’on appelle le talon, le foible, & le fort.

Le talon, est le tiers du tranchant le plus près de la garde.

Le foible, est le tiers du tranchant qui fait l’extrémité de la lame.

Le fort, est le tiers du tranchant qui est entre le foible & le talon.

Le plat, est la partie de la lame qui est entre les deux tranchans.

La pointe, est la partie de la lame avec laquelle on perce l’ennemi.

La soie, est la partie de la lame qui enfile la garde, la poignée, & le pommeau.

La garde, est la partie de l’épée qui garantit la main.

La poignée, est la partie de l’épée avec laquelle on la tient.

Le pommeau, est la partie de l’épée à l’extrémité de laquelle on rive la soie, & où elle est attachée.

Les maîtres en fait d’armes divisent encore l’épée en trois parties, la haute, la moyenne & la basse, & en fort, mi-fort & foible. Le fort de l’épée est la partie la plus proche de la garde. Le mi-fort gît au milieu & aux environs de la lame, & le foible est le reste qui va jusqu’à la pointe. Ils divisent de même le corps en trois, dont la partie haute comprend la tête, la gorge & les épaules ; la moyenne, la poitrine, l’estomac & le ventre supérieur ; & la basse, le ventre inférieur & au défaut jusque vers le milieu des cuisses. Voyez Escrime.

Epée à deux mains ou espadon, est une large épée qu’on tient à deux mains, & qu’on tourne si vîte & si adroitement, qu’on en demeure toûjours couvert.

Il y a des épées quarrées, il y en a de plates, de longues & de courtes.

Les sauvages du Mexique, dans le tems que les Espagnols y aborderent pour la premiere fois, n’avoient que des épées de bois, dont ils se servoient avec autant d’avantage que nous des nôtres.

En Espagne, la longueur des épées est fixée par autorité publique. Les anciens chevaliers donnoient des noms à leurs épées : celle de Charlemagne s’appelloit joyeuse, celle de Roland durandal, &c.

Les épées dans les premiers tems de la troisieme race de nos rois devoient être larges, fortes, & d’une bonne trempe, pour ne point se casser sur les casques & sur les cuirasses, qui faisoient tant de résistance ; & telle fut celle de Godefroy de Bouillon, dont quelques histoires de croisades disent, qu’il fendoit un homme en deux. La même chose est racontée de l’empereur Conrad au siége de Damas.

M. Ducange dit que ces faits, tout incroyables qu’ils paroissent, ne lui semblerent plus tout-à-fait hors de vraissemblance depuis qu’il eut vû à saint Faron de Meaux une épée antique que l’on dit avoir été celle d’Ogier le Danois, si fameux du tems de Charlemagne, au moins dans les romans, tant cette épée est pesante, & tant par conséquent elle supposoit de force dans celui qui la manioit. Le P. Mabillon qui l’a fait peser, dit qu’elle pese cinq livres & un quarteron. Histoire de la milice françoise. M. le maréchal de Puysegur prétend que l’épée est une arme inutile & embarrassante au soldat. Voyez Armes. (Q)

Epée, (Hist. mod.) ordre de chevalerie, autrefois en honneur dans l’île de Chypre, où il fut institué par Guy de Lusignan, qui avoit acheté cette île de Richard, roi d’Angleterre, en 1192. Les chevaliers de cet ordre portoient un collier composé de cordons ronds de soie blanche, liés en lacs d’amour, entremêlés de lettres S formées d’or. Au bout du collier pendoit un ovale où étoit une épée ayant la lame émaillée d’argent, la garde croisetée & fleurdelisée d’or, & pour devise ces mots, securitas regni. La premiere cérémonie s’en fit en 1195, par le roi Guy de Lusignan, qui conféra cet ordre à son frere Amaury, connétable de Chypre, & à trois cents barons qu’il établit dans son nouveau royaume. Favin, théat. d’honn. & de chevalerie. (G)

* Epées. (Hist. mod.) L’ordre des deux épées de J. C. ou les chevaliers du Christ des deux épées ; ordre militaire de Livonie & de Pologne en 1193. Dans ces tems où l’on croyoit suivre l’esprit de l’Evangile & se sanctifier, en forçant les hommes d’embrasser le Christianisme, Bertold, second évêque de Riga, engagea quelques gentilshommes qui revenoient de la croisade, de passer en Livonie, & d’employer leurs armes à l’avancement de la religion ; mais ce projet ne fut exécuté que par Albert son frere, chanoine de Reims, & son successeur. La troupe de nos soldats convertisseurs fut érigée en ordre militaire. Vinnus en fut le premier grand-maître en 1203. Ils portoient dans leurs bannieres deux épées en sautoir. Ils s’opposerent avec succès aux entreprises des idolatres.

Epée romaine, (Manége, Maréchall.) On nomme ainsi un épi, qui dans quelques chevaux regne tout le long de l’encolure, près de la criniere, tantôt de deux côtés, tantôt d’un seul. Je ne rechercherai point les raisons qui lui ont mérité cette dénomination, & par lesquelles il a pû se rendre digne de l’estime & du cas infini qu’on en fait. Il seroit à souhaiter que les préjugés qui nous maîtrisent dans notre art, ne nous eussent pas aveuglés jusqu’au point de ne nous faire envisager que certains jeux de la nature, & de nous donner de l’éloignement pour tous les travaux qui pouvoient nous faire connoître, & admirer les opérations qu’elle veut bien ne pas dérober à notre foible vûe. (e)

Epées, (Marine.) Voyez Barres de Virevaut.

Epée, terme de Cordier ; c’est un instrument de buis, long d’un pié & large de deux pouces, dont cet ouvrier se sert pour battre la sangle qu’il fabrique. C’est proprement le battant du métier à sangle. On l’appelle épée, parce qu’il a la forme d’un coutelas.

Epée, en terme de Diamantaire, est le lien de fer AB (Pl. II. du Diamantaire, fig. 2) qui unit le bras avec le coude de l’arbre de la grande roue. Ce lien est composé de plusieurs pieces de fer, dont les deux fg & FG s’assemblent à charniere en B, où elles entourent le coude de l’arbre de la grande roue ; elles sont assujetties l’une contre l’autre par le moyen d’un anneau e dans lequel passe un coin qui serre les platines l’une contre l’autre. Entre les deux platines on introduit une troisieme Ahh ou ab, que l’on assujettit entre les deux premieres par le moyen des deux anneaux hh serrés avec des coins. Cette troisieme barre est percée d’un trou, dans lequel passe un boulon a qui traverse le bras de bas en haut, où il est retenu par une cheville ou clavette o qui l’empêche de ressortir. Ce mouvement imprimé au bras, se communique par le moyen de l’épée au coude qui fait mouvoir l’arbre & la roue qui est montée dessus.

Epée, (Manufact. en soie.) c’est une des parties du chevalet à tirer les soies. Voyez l’art. Soie.