L’Encyclopédie/1re édition/EOLE

EOLE, (Mythol.) c’est le roi, ou pour mieux dire le dieu des vents ; car, suivant la remarque du P. Sanadon, les vents paroissent dans la Mythologie comme des especes de petits génies, volages, inquiets & mutins, qui semblent prendre plaisir à bouleverser l’univers. Ce sont eux qui ont donné entrée à la mer au milieu des terres, qui ont détaché quantité d’îles du continent, & qui ont causé une infinité d’autres ravages dans la nature.

Pour prévenir de pareilles entreprises dans la suite, la fable les resserra dans de certains pays, particulierement dans les îles éoliennes, aujourd’hui les îles de Lipari, entre l’Italie & la Sicile ; & en conséquence la même fable leur donna un roi nommé Eole.

Ce nouveau monarque, ou plûtôt ce nouveau dieu, a joüé un grand rôle dans la Poésie, pour élever les tempêtes, ou pour les calmer. Ulysse s’adresse à lui dans Homere, pour en obtenir une heureuse navigation : mais dans Virgile, la reine même des dieux ne dédaigne pas d’implorer son secours, pour traverser l’établissement de la colonie troyenne en Italie, & l’on peut dire que le roi des vents a la gloire de commencer le nœud de cette grande action dans l’Enéide.

C’est lui qui, dans un antre vaste & profond, tient tous les vents enchaînés, il les gouverne par sa puissance ; & se tenant assis sur la montagne la plus haute, il appaise à sa volonté leur furie, s’oppose à leurs efforts, les arrête dans leurs prisons, ou les met en liberté : s’il cessoit un moment de veiller sur eux, le ciel, la terre, la mer, tous les élémens seroient confondus.

...............Celsâ sedet Œolus arce
Sceptra tenens, mollitque animos, & temperat iras.
Ni faciat, maria, ac terras, cælumque profundum
Quippe ferant rapidi secum, verrantque per auras
.

Æneïd. lib. I. v. 52. & sequ.

Junon, pour l’engager à servir sa colere, lui offre en mariage une des quatorze nymphes de sa suite, & la plus belle de toutes, en un mot Déjopée :

Sunt mihi bis septem præstanti corpore nymphæ :
Quarum, quæ forma pulcherrima, Dejopeiam
Connubio jungam stabili, propriamque dicabo :
Omnes ut recum meritis pro talibus annos
Exigat, & pulchra faciat te prole parentem.

A ces mots, Eole enfonce sa lance dans le flanc de la montagne, & l’entr’ouvre : tous les vents à l’instant sortent impétueusement de leurs cavernes, & se répandent sur la terre & sur la mer :

Hæc ubi dicta, cavum conversa cuspide montem
Impulit in latus. At venti, velut agmine facto,
Quâ data porta, ruunt, & terras turbine perstant.

Alors s’éleve une tempête affreuse, dont il faut lire la peinture admirable dans le poëme même, car elle n’a point de rapport direct à cet article. Voyez encore sur Eole, Diodore de Sicile, lib. V. Strabon, lib. I. Ovide, Métamorph. lib. XI. Pline, lib. III. c. jx. Bochard, l’abbé Banier, les dictionn. de Mythologie, &c. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.