L’Encyclopédie/1re édition/ENTREPRISE

* ENTREPRISE, s. f. (Gramm.) c’est en général ou le dessein d’exécuter quelque chose, ou l’exécution même de ce dessein. On dit d’un homme, qu’il ne voit pas tous les dangers de son entreprise ; que son entreprise lui a réussi ; qu’il y a gagné cent mille écus. Entreprise, dans un autre sens, est synonyme à usurpation, comme dans ces phrases : la puissance civile peut former des entreprises sur la puissance ecclésiastique ; la puissance ecclésiastique peut former des entreprises sur la puissance souveraine. Le même terme a lieu, selon la même signification, dans les Arts & Métiers. Si les maîtres de quelque communauté s’immisçoient de faire des ouvrages qui fussent du ressort d’un autre communauté ; comme si les Orfévres vouloient débiter des pincettes de fer, ce qui appartient aux Serruriers ; ces sortes d’entreprises occasionneroient infailliblement de grandes contestations.

Entreprise, (Art Milit.) c’est, à la guerre, la résolution que l’on prend d’exécuter quelqu’opération, comme de combattre, de faire un siége, &c.

« Quand une entreprise a été une fois resolue dans un conseil de guerre, il est d’une extrème conséquence que les officiers & les soldats même ignorent le pour & le contre ; car il y en a toûjours un fort grand nombre qui comptent les avis plutôt qu’ils ne les pesent. Souvent dans les conseils ce ne sont pas les plus sages qui sont les plus écoutés & qui décident ; mais ceux qui sont à la tête, à qui il est permis de faire & de dire tout ce qui leur plaît : outre que l’on a de l’éloignement dans ces sortes d’assemblées pour tout ce qui tend à éviter ou retarder le combat, de peur qu’on ne doute de leur courage. Il importe donc que ceux qui ont été d’un sentiment contraire, paroissent approuver ce qui s’y est déterminé, quelque mauvais qui puisse être, il faut qu’ils le maintiennent publiquement ; ce qui fait que le général, ou celui qui en est l’auteur, perd cette crainte que cause ordinairement le doute où l’on est de ne pas réussir ». Comment. sur Polybe, de M. le chevalier Folard, tom. IV. pag. 162.

L’objet de l’auteur dans ces réflexions est d’empêcher, lorsqu’un général a une fois pris un parti qu’on croit dangereux, & dont on ne peut pas le distraire, de lui donner, ainsi qu’aux officiers & aux soldats de l’armée, aucune inquiétude sur l’évenement ; parce que, comme il l’observe avec beaucoup de raison, la vérité qui frappe, & à laquelle on se refuse, nous laisse souvent dans une suspension d’esprit & une espece de crainte de ne pas réussir, qui est toûjours dangereuse. (Q)