L’Encyclopédie/1re édition/ENGAGISTE
ENGAGISTE, (Jurisprud.) est celui qui jouit d’un bien à titre d’engagement : il y a deux sortes d’engagistes.
Les uns qui joüissent d’un bien par forme d’antichrese pour sûreté de leurs créances.
Les autres sont ceux qui joüissent d’un domaine de la couronne à titre d’engagement.
L’engagiste qui joüit à titre d’antichrèse, peut retenir le fonds qui lui a été engagé jusqu’à ce que le débiteur lui ait payé toutes les sommes qu’il lui doit, même au-delà du prix de l’engagement.
Aucune vente, soit pure & simple, ou à faculté de rachat, ou simplement des fruits, ne peut préjudicier au droit acquis antérieurement à l’engagiste.
Suivant le droit romain, l’engagiste peut stipuler qu’il retiendra les fruits de l’héritage, pour lui tenir lieu des intérêts de ses créances, ce qui s’observe au parlement de Toulouse ; mais au parlement de Paris cela n’est jamais permis, à moins que les fruits de l’héritage ne fussent fixes & certains ; comme si c’est une rente en argent, auquel cas l’engagiste seroit tenu d’imputer l’excédent, s’il y en a, sur le principal.
Ce ne sont pas seulement les fruits perçûs par l’engagiste dont il doit rendre compte, mais aussi ceux qu’il a pû percevoir.
Il est de son devoir de joüir comme un bon pere de famille, & par conséquent de faire toutes les réparations : mais aussi en cas de rachat, il est en droit de répéter toutes les dépenses utiles & nécessaires qu’il a faites à la chose engagée ; & jusqu’à ce qu’il en soit remboursé, il peut retenir le bien engagé. A l’égard des dépenses voluptuaires, il ne peut les répéter, à moins qu’il ne les eût faites de l’ordre du débiteur.
Les cas fortuits ne sont pas à la charge de l’engagiste, nisi culpa casum præcessit.
L’engagiste ne peut par aucun tems prescrire le fonds contre le débiteur, à moins que l’engagement ne fût coloré du nom de vente à faculté de rachat, auquel cas il pourroit prescrire par trente ans.
Il peut aussi, par une joüissance de trente ans, prescrire l’hypotheque contre les créanciers antérieurs de son débiteur.
S’il vend, comme propriétaire, le bien à lui engagé, le tiers acquéreur pourra prescrire de son chef, n’ayant pas succédé à son vendeur à titre d’engagement.
Les créanciers, soit antérieurs ou postérieurs à l’engagement, ne peuvent faire saisir sur l’engagiste les fruits du fonds engagé par leur débiteur ; ils ne peuvent s’en prendre qu’au fonds par la voie de la saisie réelle.
Tant que l’engagiste n’a pas encore prescrit l’hypotheque, le créancier antérieur peut agir directement sur le fonds engagé, sans être obligé de discuter les autres biens du débiteur ; mais les créanciers postérieurs au contrat d’engagement ne peuvent déposséder l’engagiste qu’en le remboursant de son principal, frais & loyaux coûts.
Pour savoir quel peut être l’effet du pacte commissoire à l’égard de l’engagiste, voyez Pacte commissoire.
Voyez ff. de pignorat. act. & de pign. & hypoth. lib. I. & cod. etiam ob chirograph. pecun. pign. retin. poss. Decis. de Fromental, au mot Engagement. (A)
Engagiste du Domaine, est celui qui tient à titre d’engagement, c’est-à-dire sous faculté perpétuelle de rachat, quelque portion du domaine de la couronne.
Lorsque le domaine, ainsi aliéné, est tenu & cédé en fief, celui qui en joüit est ordinairement qualifié de seigneur-engagiste, ou engagiste simplement ; mais quand le domaine est cédé en roture, le possesseur ne peut prendre d’autre titre que celui d’engagiste. Voyez ci devant Engagement. (A)