L’Encyclopédie/1re édition/EMBARRURE

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EMBARRURE, s. f. terme de Chirurgie, espece de fracture du crane, dans laquelle une esquille passe sous l’os sain, & comprime la dure-mere. Il faut tâcher de tirer avec adresse cette piece d’os avec des pincettes convenables. Si l’on croit n’y pouvoir réussir, ou si en faisant des tentatives il y a du risque de causer quelque déchirement à la dure-mere, il faut appliquer le trépan, & le multiplier, si le besoin le requiert, afin de pouvoir enlever facilement la piece d’os qui forme l’embarrure. Voyez Engisomme & Trépaner. (Y)

Embarrure, s. f. (Manége & Maréch.) On appelle improprement ainsi tout accident qui suit l’action de s’embarrer : l’effet ou la maladie est donc ici désigné & reconnu par le nom même de la cause qui l’a produit.

Ces accidens ne se bornent pas toûjours à de simples écorchures ; ils consistent souvent dans des contusions plus ou moins dangereuses, selon qu’elles sont plus ou moins fortes & plus ou moins profondes, & selon aussi la nature de la partie contuse & affectée.

L’écorchure est une legere solution de continuité, une érosion qui n’intéresse que les poils, l’épiderme, les fibres & les petits vaisseaux cutanés.

Il est certain que l’embarrure limitée à ce seul évenement, ne peut jamais être envisagée comme une maladie grave ; elle est cependant quelquefois accompagnée d’inflammation, ce que l’on reconnoît aisément à la sensibilité que témoigne l’animal. lorsque nous portons la main sur cette plaie superficielle, à la chaleur & au gonflement qui se manifeste dans ses environs ; & alors elle exige plus d’attention de la part du maréchal.

Il ne suffit pas en effet de recourir à des pommades ou à des liqueurs dessiccatives ; il s’agit premierement de détendre & de calmer. L’application prématurée de ces topiques qui ne conviennent que dans le cas de l’absence de tous les signes dont je viens de parler, augmenteroit inévitablement le mal : on oindra donc d’abord le lieu où le siége en est établi, avec un mêlange de miel & d’onguent d’althæa, jusqu’à ce que la douleur s’évanoüisse ; à mesure qu’elle se dissipera, on supprimera insensiblement l’althæa pour lui substituer l’onguent pompholix ou l’onguent de céruse toûjours mêlée avec le miel ; & la plaie étant enfin dessechée par ce moyen, on procurera la regénération des poils : il n’est point de voie plus assûrée pour y parvenir, que celle d’oindre la partie qui en est dépourvûe avec l’onguent suivant.

« Prenez pampre de vigne que vous pilerez dans un mortier de fonte ; après en avoir broyé une petite quantité, ajoûtez-y du miel ; broyez de nouveau le tout, reprenez des pampres, pilez-les & ajoûtez encore du miel ; continuez jusqu’à ce que vous ayez préparé assez de cet onguent, que vous garderez soigneusement pour le besoin, & que vous aurez attention de renouveller chaque année ».

Il peut arriver aussi que l’inflammation soit très considérable, alors on saignera l’animal : de plus, s’il survient des fongosités, on employera, lorsqu’il n’y aura plus d’inflammation, de foibles consomptifs pour les détruire, tels que l’alun brûlé, mêlé avec le miel, & même avec l’ægyptiac si ces fongosités sont d’un certain volume. Enfin, dans le cas de l’écorchure simple & sans complication de chaleur & de douleur, on se contentera de laver la partie malade avec du vin chaud, de la saupoudrer avec de la céruse, ou de la froter avec les mélanges dessiccatifs & adoucissans dont j’ai fait mention, &c.

Les contusions occasionnées par l’embarrure, ne different de celles qui sont le produit de l’impression subite & du heurt de quelques corps durs & obtus, qu’en ce que communément le frotement de la partie sur la barre, suscitant une érosion, elles s’annoncent par une tumeur avec solution extérieure de continuité. Il n’est pas néanmoins absolument rare que cette tumeur soit sans déperdition de substance, & sans ouverture à la peau.

Lorsque la contusion se borne au tégument ou au corps graisseux, elle est regardée comme une meurtrissûre, & n’est suivie d’aucun accident fâcheux : l’eau fraiche, l’eau-de-vie & le savon sont des remedes capables d’en opérer l’entiere guérison ; il n’en est pas de même lorsqu’elle s’étend dans les parties charnues, ou qu’elle est accompagnée de la foulure des tendons ou des ligamens, de la dilacération du tissu interne, du froissement, de la compression des vaisseaux, de la stagnation des liqueurs dans leurs canaux, de leur extravasion, &c. Ces différentes complications nous sollicitent à un traitement plus méthodique, & dans lequel nous devons toûjours nous guider par la variété des symptomes & des circonstances. 1°. De fortes contusions, surtout dans la partie la plus élevée de l’extrémité, s’enflamment le plus souvent & suppurent. J’ai ouvert nombre d’abcès provenans de cette seule & unique cause. 2°. Les tendons ou les ligamens sont-ils contus & foulés ? la douleur vive à laquelle l’animal est en proie, la difficulté qu’il a de se mouvoir, nous l’annonceront ; & ces mêmes signes réunis & joints à celui qui résulte du volume & de l’étendue de la tumeur, nous indiqueront encore tous les autres accidens qui ont eu lieu dans l’intérieur du membre embarré.

Dans les uns & les autres de ces cas, la saignée à la jugulaire est indispensable. Selon l’ardeur de l’inflammation & la vivacité de la douleur, on appliquera des cataplâmes anodyns faits avec de la mie de pain boüillie dans du lait, à laquelle on ajoûtera des jaunes-d’œufs, du safran & de l’onguent populeum ; par le secours de ces médicamens, on satisfera aux premieres intentions que l’on doit avoir, puisqu’on s’opposera d’une part à l’affluence des humeurs sur la partie tuméfiée, & de l’autre, aux progrès de l’inflammation qu’il faut absolument s’efforcer d’appaiser. Ces deux objets étant remplis, on n’oubliera rien pour délivrer la partie des humeurs qui s’y seront accumulées. On débutera d’abord par les remedes résolutifs, tels que les cataplâmes faits avec racine d’iris, de bryone, de chacune deux onces ; sommités d’absynthe & d’auronne, fleurs de camomille & de sureau, de chacune une poignée ; semence d’aneth, fénugrec & cumin en poudre, de chacun une once ; sel ammoniac, quatre dragmes : on fera cuire le tout dans du gros vin, on pilera ensuite le marc, on y mêlera de l’axonge humaine, ou de l’axonge de cheval & du safran, de chacun deux dragmes pour le cataplâme que l’on appliquera chaudement sur la partie, ou tel autre semblable qui aura les mêmes vertus & la même efficacité. En frotant encore la tumeur avec les résolutifs spiritueux, ou avec l’esprit de matricaire & le baume nervin, ou en mettant en usage les bains résolutifs aromatiques, on pourra opérer la résolution. S’il y a enfin épanchement ou infiltration d’humeur, & que cette voie que l’on doit toûjours préférer à toute autre, soit impossible ; on facilitera la suppuration par l’onction de l’onguent basilicum, ensuite on ouvrira la tumeur. Voyez Tumeur. Souvent les épervins, les courbes, les suros, sont provoqués par les embarrures. Voy. Eparvins, Suros. J’ai vû de plus ensuite d’un pareil accident, un gonflement énorme & une obstruction considérable du tissu vasculaire qui compose la masse des testicules. Voyez Testicule.

Pendant l’administration des remedes que je viens de prescrire, on doit tenir l’animal à un régime exact, à l’eau blanche, au son, lui administrer des lavemens émolliens, &c. & selon le dépôt qui en sera résulté, le purger pour terminer le traitement. (e)