L’Encyclopédie/1re édition/EFFIGIE

◄  EFFICACE
EFFIGIER  ►

EFFIGIE. s. f. (Jurisprud.) est un tableau ignominieux, où est représentée la figure du criminel absent, condamné à mort par contumace : l’exécution par effigie est celle qui se fait en attachant à la potence le tableau dont on vient de parler. Les condamnations flétrissantes, mais qui n’emportent pas peine de mort, telles que l’amende honorable, le banissement, les galeres, sont aussi écrites dans un tableau, mais sans effigie, c’est-à-dire sans désignation de figure. A Paris les tableaux qui servent d’effigie, ne sont qu’un dessein grossier fait à la plume, qui représente un homme pendu ou sur la roue, selon la condamnation ; mais dans les provinces où les exécutions sont plus rares, les effigies sont ordinairement peintes & coloriées à la ressemblance de l’accusé, le mieux qu’il est possible ; on le représente avec ses habits ordinaires, & autres choses qui peuvent le caractériser, afin que cela fasse plus d’impression au peuple.

L’usage des exécutions par effigie, tire son origine des sacrifices & triomphes des anciens, lesquels au lieu de sacrifier la personne même, sacrifioient quelquefois seulement son effigie, comme le rapporte Plutarque en la 32e & 86e demandes des choses romaines.

L’exécution par effigie, en matiere criminelle, vient particulierement des Grecs, chez lesquels on faisoit le procès aux absens, & on les exécutoit par effigie, ou bien on écrivoit leurs noms avec la condamnation en des colonnes, comme le remarque Ayrault, liv. II. de sa pratique judiciaire, art. 1. n. 23.

A Rome au contraire les exécutions figuratives ou en effigie n’étoient pas en usage, d’autant que l’on n’y condamnoit jamais les absens à aucune peine capitale : il leur paroissoit ridicule d’exécuter quelqu’un en peinture ; & si Trebellius Pollio rapporte de Celsus le tyran qu’il fut pendu en effigie, cujus imago suspensa est quasi celsus ipse videretur ; cela fut fait, comme le remarque cet auteur, novo injuriæ genere : il y avoit cependant des cas à Rome, où l’on écrivoit dans des colonnes, comme chez les Grecs, le nom des absens qui étoient condamnés ; mais cela n’avoit pas lieu pour peines capitales ; ainsi il n’y avoit point d’exécution par effigie.

Les anciennes ordonnances font mention des effigies sous le terme de tableaux. L’ordonnance de François I. du mois d’Août 1536, pour la Bretagne, ch. ij. art. 29. dit que la condamnation faite par contumace & le forban donné, l’on fera attacher aux portes & entrées des lieux les tableaux & cordeaux au desir de la coutume, &c. Celle de Charles IX. de 1566 art. 25. porte que les noms des appellés & ajournés à ban, & poursuivis & condamnés par contumace, seront inscrits aux tableaux qui seront affichés aux portes des villes, des siéges, des auditoires, des lieux d’où les decrets seront émanés, à ce qu’aucun n’en prétende cause d’ignorance.

L’ordonnance de 1670, tit. xvij. art. 16. distingue trois manieres d’exécuter les jugemens par contumace, selon la nature des peines qui sont prononcées ; il est dit par cet article, que les seules condamnations de mort naturelle seront exécutées par effigie ; que celles des galeres, amende honorable, bannissement perpétuel, flétrissure, & du foüet, seront seulement écrites dans un tableau sans aucune effigie ; que les effigies & les tableaux seront attachés dans la place publique ; que toutes les autres condamnations par contumace, seront seulement signifiées & baillé copie au domicile ou résidence du condamné, si aucune il a dans le lieu de la jurisdiction, si non affichée à la porte de l’auditoire.

Suivant l’art. 29. du même titre, ceux qui sont condamnés à mort par contumace, aux galeres perpétuelles ou au bannissement perpétuel hors du royaume, & qui décedent après les cinq années sans s’être représentés ou avoir été constitués prisonniers, sont réputés morts civilement du jour de l’exécution, de la sentence de contumace ; laquelle exécution doit être faite par effigie, si la condamnation est à mort naturelle.

L’exécution par effigie a deux objets : l’un d’imprimer une plus grande ignominie sur l’accusé ; l’autre est afin que cet appareil inspire au peuple plus d’horreur du crime.

L’effet de l’exécution par effigie, dans le cas où elle est nécessaire, est que le crime ne se prescrit plus que par trente ans ; au lieu que sans cette exécution il auroit pû être prescrit par vingt ans ; il en est de même des autres sortes d’exécutions, dans le cas où elles ont lieu. (A)

Effigie, à la Monnoie, c’est le côté de la piece où l’on voit gravé en relief l’image du prince regnant. Autrefois on ne mettoit l’effigie du prince qu’aux médailles, ou autre piece frappée consequemment à quelque bataille gagnée, province conquise, ou aux évenemens remarquables, alliance, fête, &c. Sur la monnoie de cours pour le commerce il y avoit une croix ; c’est de-là que ce côté étoit appellé croix, & le revers, pile. Voyez Croix, Pile.