L’Encyclopédie/1re édition/DRAME
DRAME, s. m. (Belles-Lettres.) piece ou poëme composé pour le théatre. Ce mot est tiré du grec drama, que les Latins ont rendu par actus, qui chez eux ne convient qu’à une partie de la piece ; au lieu que le drama des Grecs convient à toute une piece de théatre, parce que litteralement il signifie action, & que les pieces de théatre sont des actions ou des imitations d’action.
Un drame, ou comme on dit communément une piece de théatre, est un ouvrage en prose ou en vers, qui ne consiste pas dans un simple récit comme le poëme épique, mais dans la représentation d’une action. Nous disons ouvrage, & non pas poëme ; car il y a d’excellentes comédies en prose, qui, si on les considere relativement à l’ordonnance de la fable, aux caracteres, à l’unité des tems, de lieu, & d’action, sont exactement conformes aux regles, auxquelles cependant on n’a pas donné le nom de poëme, parce qu’elles ne sont pas écrites en vers.
Les anciens comprenoient sous le nom de drame, la tragédie, la comédie, & la satyre, espece de spectacle moitié sérieux moitié boufon. Voyez Comédie, Satyre, & Tragédie.
Parmi nous les différentes especes de drame sont la tragédie, la comédie, la pastorale, les opéra, soit tragédie soit ballet, & la farce. On nommeroit peut-être plus exactement ces deux dernieres especes spectacles, car les véritables regles du drame y sont pour l’ordinaire ou violées ou négligées. Voy. Tragédie, Comédie, Farce, Opéra, &c.
Quelques critiques ont voulu restraindre le nom de drame à la tragédie seule ; mais on a démontré contr’eux, que ce titre ne convenoit pas moins à la comédie, qui est aussi bien que la premiere la représentation d’une action ; toute la différence naît du choix des sujets, du but que se proposent l’une & l’autre, & de la diction, qui doit être plus noble dans la tragédie ; du reste, ordonnance, unité, intrigue, épisode, dénouement, tout leur est commun.
Le cantique des cantiques & le livre de Job ont été regardés par quelques auteurs comme des drames ; mais outre qu’il n’est rien moins que certain que les Hébreux ayent connu cette espece de poëme, ces ouvrages tiennent moins de la nature du drame que de celle du simple dialogue.
Les principales parties du drame selon la division des anciens, sont la protase, l’épitase, la catastase, & la catastrophe ; & ils comptoient pour parties accessoires l’argument ou le sommaire, le chœur, le mime, la satyre ou l’atellane, qui étoient comme la petite piece, & enfin l’épilogue où un acteur marquoit aux spectateurs le fruit qu’ils devoient retirer de la piece, ou leur donnoit quelqu’autre avertissement de la part de l’auteur. Les modernes divisent les pieces de théâtre, quant aux parties essentielles, en exposition du sujet, qui répond à la protase des anciens ; intrigue, c’est l’épitase ; nœud, qui équivaut à la catastase, & qui n’est point distinct de l’intrigue, puisque c’est lui qui la constitue ; & dénouement ou catastrophe. Quant aux parties accidentelles, rarement employent-ils les prologues, & ne connoissent nullement les autres qui étoient en usage dans l’antiquité.
On divisoit encore l’ancien drame, selon Vossius, en dialogue & en chœur ; le dialogue comprenant tous les discours que tenoient les personnages de l’action pendant le cours de la piece, & le chœur consistant dans les chants que le chœur récitoit dans les intermedes, & dans quelques parties de discours qu’il adressoit aux acteurs dans certaines scenes. Voss. instit. poetic. lib. II. cap. v. (G)