L’Encyclopédie/1re édition/DOUANNE

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DOUANNE, s. f. (Finances.) c’est le nom que l’on donne aux principaux bureaux des cinq grosses fermes, établis dans le royaume pour percevoir les droits suivant les tarifs arrêtés par le conseil. Il y a trois bureaux en France, portant principalement le nom de doüanne ; celui de Paris, celui de Lyon, & celui de Valence.

L’ordonnance de 1687 sur le fait des cinq grosses fermes, regle ce qui est de la régie des bureaux des fermes ; tout ce qui y est contenu, est commun à toutes les doüannes, l’essentiel de la régie & des opérations se faisant par-tout de même. Nous allons rapporter quelques particularités des doüannes de Lyon & de Valence, & nous reviendrons à celle de Paris.

La doüanne de Lyon est considérable par les droits sur les étoffes d’or, d’argent & de soie, de passemens & autres marchandises qui viennent d’Espagne, d’Italie, & qui entrent en France. Charles IX. l’établit en 1563, & en 1571 il déclara les traites foraines droit domanial, & créa un contrôleur des registres. Henri III. en 1577 fit un nouveau réglement. Enfin la doüanne de Lyon a un tarif particulier, du 27 Novembre 1632. Les droits sont levés, tant dans la ville de Lyon, sur les marchandises destinées pour ladite ville, & sur celles qui devoient y être conduites avant d’être déchargées dans les lieux de leur destination, que dans les bureaux établis dans les provinces du Lyonnois, Forès, Dauphiné, Provence & Languedoc, même le comté d’Avignon, les marchandises qui sont amenées à ces bureaux, étant dispensées de passer par la doüanne de Lyon, pour la facilité du commerce.

Lorsque les marchandises séjournent à la doüanne par le défaut des marchands, après les trois jours de la descente desdites marchandises, elles doivent 4 den. tournois par quintal & par jour, pour droit de garde.

La doüanne de Valence a un tarif du 14 Décembre 1651, & un du 15 Janvier 1659 : les droits en sont levés sur les marchandises & denrées qui entrent en Dauphiné, qui traversent la province ou qui en sortent ; sur celles qui montent, descendent ou traversent le Rhone, depuis les rivieres d’Ardeche jusqu’aux roches qui sont au-dessus de Vienne ; & depuis Saint-Genis, qui est le dernier lieu de la Savoie, jusqu’à Lyon ; sur celles qui viennent du Levant, Italie, Espagne, Languedoc, Vivarais, Roüergue, Velay, Provence, ville & comtat d’Avignon, principauté d’Orange, Bresse, Savoie & Piémont, pour être transportées à Lyon & en Lyonnois, Forès & Beaujolois, par les bureaux établis en Provence, Dauphiné, Forès & Lyonnois ; & sur celles qui sortiront de Lyon, Lyonnois, Forès & Beaujolois, pour être portées dans les pays de Roüergue, Velay, Vivarais, Languedoc, Provence, Allemagne, Franche-Comté, Suisse, Savoie, Piémont, Geneve, Italie, Espagne, & Levant.

La doüanne de Paris observe les tarifs de 1664 & 1667, & autres édits, déclarations, arrêts & réglemens depuis intervenus, lesquels sont aussi communs aux autres doüannes. Ce bureau est regardé comme le premier des fermes du roi, à cause de ce qu’il est dans la capitale, & que son arrondissement comprend toutes les provinces des cinq grosses fermes.

Il y a des bureaux établis dans certaines villes, soit par rapport à certaines formalités de régie, soit pour la facilité du commerce, qui ne sont pas appellés doüannes, mais qui ont la même régie.

Il y a des bureaux établis à toutes les extrémités des provinces qui forment chaque arrondissement ; il y a une autre ligne de bureaux moins avancée, & d’autres encore plus près du centre, en troisieme ligne. Ces bureaux se contrôlent les uns les autres. Les bureaux qui sont aux extrémités, se nomment premiers bureaux d’entrée ou derniers bureaux de sortie ; & les autres, premiers bureaux de sortie, ou derniers bureaux d’entrée.

Il y a quelques routes où il ne se trouve qu’un bureau, auquel les marchandises entrant ou sortant acquittent également ; c’est pourquoi on les appelle bureaux d’entrées ou de sorties.

Tous ces bureaux sont chacun composés d’un receveur, un ou plusieurs contrôleurs ou visiteurs, suivant la conséquence du commerce.

Les bureaux de conserve sont de petits bureaux établis dans les lieux détournés des grandes routes, & par lesquels néanmoins il peut entrer & sortir des marchandises de différens endroits ; il n’y a ni contrôleurs ni visiteurs, mais seulement un receveur, lequel ne doit percevoir les droits que sur les marchandises du crû du lieu & des environs ; & à l’égard des marchandises qui pénetrent plus avant, ils doivent délivrer des acquits à caution, pour assûrer le payement des droits au premier bureau de recette de la route.

Les marchands ou voituriers qui amenent des marchandises, doivent les conduire directement au bureau pour y être visitées, y représenter les acquits, congés & passavants, à peine de confiscation des marchandises, & de l’équipage qui aura servi à les conduire. Si par la vérification des marchandises sur les expéditions qui les accompagnent, il se trouve que des droits ayent été mal perçûs aux bureaux d’entrée & sur la route, on fait payer le supplément des droits ; on y perçoit aussi les droits sur les marchandises qui n’ont point été visitées pendant leur route, & ont été expédiées par acquit à caution au premier bureau.

On y perçoit pareillement les droits de sortie sur les marchandises qu’on va déclarer pour passer à l’étranger, ou aux provinces réputées étrangeres ; on y expédie par acquit à caution, celles destinées pour les quatre lieues des limites de la ferme ; celles pour le commerce des îles françoises de l’Amérique, de Guinée, ainsi que celles qui dans les différens cas particuliers doivent être de même expédiées par acquit à caution.

Tous les ballots, caisses ou valises, &c. contenant les marchandises ou autres choses qui s’y expédient, soit par acquit à payement, soit par acquit à caution, y sont plombées, & ne doivent être ouvertes qu’au dernier bureau de la route, si ce n’est en cas de fraude.

Il est à observer qu’il n’y a pas d’obligation de la part des négocians & autres particuliers, d’aller faire leurs déclarations en ce bureau, ni d’y conduire les marchandises qu’ils font enlever des villes où ces bureaux sont établis ; c’est une chose qui dépend de leur volonté : s’ils ne le font pas alors, il faut souffrir la visite au premier bureau de sortie, y déclarer les marchandises, y acquitter les droits, & elles doivent être représentées & visitées au dernier bureau de sortie, où l’acquit du premier bureau doit être retenu par les commis, qui délivrent un brevet de contrôle gratis, même de ceux du papier du timbre.

Les voituriers sont tenus, à peine de confiscation & de 100 liv. d’amende, de conduire directement les marchandises à tous les bureaux de la route, d’y représenter leurs acquits, pour faire mettre le vû. Ils sont encore tenus de les représenter sur la route aux commis & gardes, qui peuvent les retenir en délivrant gratis un brevet de contrôle ; sans toutefois que la visite des ballots & ouverture en puisse être faite ailleurs que dans les bureaux, au cas qu’elle n’ait point été faite : car les marchandises une fois visitées, ne peuvent plus l’être qu’au dernier bureau.

Les doüannes & autres bureaux des fermes sont régis en conséquence d’ordonnances qui ont eu pour but de laisser au commerce toute la facilité qui lui est nécessaire pour ne pas être gêné. Dans tous les états où il y a du commerce, il y a des doüannes. L’objet du commerce est l’exportation & l’importation des marchandises de la maniere la plus favorable à l’état ; & l’objet des doüannes est un certain droit sur cette même importation & exportation, qu’il s’agit de retirer aussi en faveur de l’état.

On peut assûrer que la France est parvenue au point de perfection qu’il soit le plus possible d’atteindre, pour retirer de ses doüannes tout l’avantage qu’on en peut tirer sans altérer son commerce ; & l’on peut dire que les doüannes sont en France, par rapport au commerce, comme le pouls dans le corps de l’homme, par rapport à la santé, puisque c’est par elle que l’on peut juger de la vigueur du commerce.

Les injustices peuvent être réprimées ; les vexations sont punies rigoureusement ; les droits établis par des réglemens sagement médités, qui reglent les formalités que les négocians de bonne-foi ne trouvent point onéreuses ni de difficile exécution.

Ces réglemens sont suivant les principes que l’auteur de l’esprit des lois établit, lorsqu’il parle des tributs ; on ne peut rien dire de mieux, voici ses propres paroles :

« Les droits sur les marchandises sont ceux que les peuples sentent le moins, parce qu’on ne leur en fait pas une demande formelle. Ils peuvent être si sagement ménagés, que le peuple presque ignore qu’il les paye. Pour cela il est d’une grande conséquence que ce soit celui qui vend les marchandises, qui paye les droits, il sait bien qu’il ne les paye pas pour lui ; & l’acheteur qui dans le fond les paye, les confond avec le prix. Il faut regarder le négociant comme le débiteur général de l’état, & comme le créancier de tous les particuliers ; il avance à l’état le droit que l’acheteur lui payera quelque jour, & il a payé pour l’acheteur le droit qu’il a payé pour la marchandise : d’où il s’ensuit que plus on peut engager les étrangers à prendre de nos denrées, plus ils rembourseront de droits, ce qui fait un vrai profit pour l’état. » Cet article est de M. Dufour.