L’Encyclopédie/1re édition/DODONÉEN

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DODONÉEN, adj. (Mytholog.) surnom qu’on donnoit à Jupiter dans l’antiquité, parce qu’il étoit adoré dans le temple de Dodone, bâti dans la forêt de même nom.

Dodone étoit une ancienne ville d’Epire, célebre par sa forêt, par son temple, & par une fontaine.

La forêt de Dodone étoit plantée de chênes consacrés à Jupiter ; dans cette forêt étoit un temple élevé en l’honneur du même dieu, & où il y avoit un oracle qui passoit pour le plus fameux & le plus ancien de tous les oracles de la Grece. V. Oracle.

Mais ce n’étoit pas seulement dans le temple que se rendoient les oracles, les pigeons qui habitoient la forêt, passoient aussi pour avoir le don de prédire l’avenir. On trouve dans Hérodote l’origine de cette fable. Cet auteur observe que le mot qui en langue thessalienne veut dire un pigeon, signifie en grec une prophétesse ou devineresse ; & un mot suffisoit aux Grecs pour imaginer une fable. Ils accorderent aussi le don de prophétie aux chênes de la forêt, dont quelques-uns étant creux, les prêtres imposteurs pouvoient s’y cacher & rendre des réponses au peuple superstitieux qui venoit les consulter, & qui se tenant toûjours par respect éloigné de ces arbres sacrés, n’avoit garde de démêler la fourberie.

La fontaine de Dodone étoit dans le temple même de Jupiter. Les anciens naturalistes assûrent qu’elle avoit la propriété de rallumer les torches nouvellement éteintes ; ce qui, ou n’étoit pas vrai, ou venoit sans doute de quelque vapeur ou fumée sulphureuse qui s’en exhaloit. On en disoit autant d’une fontaine de Dauphiné, située à trois lieues de Grenoble, dont parle S. Augustin dans le XXI. liv. de la Cité de Dieu, & qu’on appelloit la fontaine ardente, mais qui ne produit plus aujourd’hui les effets qu’en racontent les anciens ; parce que depuis plus de deux cents ans elle s’est éloignée d’un petit volcan sur lequel elle couloit, & qui jette encore de tems en tems de la fumée, & même quelques flammes, dit M. Lancelot témoin oculaire : on ajoûte aussi que la fontaine de Dodone éteignoit les torches allumées, ce qui n’est pas fort étonnant ; car en plongeant ces torches dans un endroit où le soufre étoit trop dense, telles qu’étoient les eaux de cette fontaine, elles devoient naturellement s’éteindre. Chambers. (G)