L’Encyclopédie/1re édition/DISCERNEMENT

◄  DISCALE
DISCIPLE  ►

DISCERNEMENT, s. m. (Logiq.) Le mot discerner peut signifier deux choses : 1°. appercevoir simplement & directement dans toute son étendue une idée qui n’est pas une autre idée : 2°. l’appercevoir avec une réflexion tacite, qui nous fait juger & reconnoître que cette idée n’est aucune des autres idées qui pourroient se présenter à notre esprit ; c’est-à-dire qu’on peut considérer une idée, ou dans ce qu’elle est en elle-même, ou dans ce qu’elle est par rapport à toute autre idée, avec laquelle on la peut comparer.

Quand on demande donc pourquoi tous les hommes ne discernent pas leurs propres idées ; s’il s’agit du discernement direct, je réponds que la question suppose ce qui n’est pas : savoir qu’on puisse avoir une idée, & ne la pas discerner de ce discernement direct dont je parle. Car enfin avoir une idée, & l’appercevoir dans toute son étendue, c’est précisément la même chose. Si l’on suppose que cette idée puisse se décomposer, & que vous n’en voyiez qu’une partie ; cette partie que vous voyez alors est précisément toute l’idée que vous avez actuellement dans l’esprit, & que vous appercevez dans toute son étendue, puisque nous appellons idée tout ce que l’esprit apperçoit au moment qu’il pense. Par-là on ne peut douter que tous les hommes ne discernent leurs idées de ce discernement direct, qui n’est autre que la perception de cette idée même dans toute son étendue.

Mais ce discernement direct est souvent joint en nous avec un discernement réflechi, qui est une vûe que nous portons en même tems sur une autre idée, qui nous fait juger ou dire en nous-mêmes (plus ou moins expressément, selon notre attention ou notre intention) que cette premiere idée est ou n’est pas la même qu’une autre idée. Ce discernement réflechi est ce qu’on appelle jugement. Voyez ce mot.

En ce sens-là, il est vrai de dire que tous les hommes ne discernent pas leurs propres idées ; bien que chacune de leurs idées soit par elle-même claire & distincte par un discernement direct.

Mais pourquoi, discernant toûjours chacune de nos idées par un discernement direct, manquons-nous souvent à le faire par un discernement réflechi ? Cela vient de l’une des trois causes suivantes, ou des trois ensemble : 1° ou de nous, 2° ou des idées mêmes, 3° ou des mots établis pour exprimer les idées ; & c’est en ces trois points que consiste l’objet de la Logique. Voyez Logique. Art. de M. Formey.

Discernement des Esprits, c’est un don de Dieu dont parle S. Paul. I. Cor. xij. 11. Il consiste à discerner entre ceux qui se disent inspirés de Dieu, si c’est le bon ou le mauvais esprit qui les anime ou qui les inspire ; si ce sont de faux ou de vrais prophetes. Ce don étoit d’une très-grande importance dans l’ancien Testament, où il s’élevoit souvent de faux prophetes & des séducteurs qui trompoient les peuples ; & dans le nouveau, aux premiers siecles de l’Église, où les dons surnaturels étoient communs, où l’ange de satan se transfiguroit quelquefois en ange de lumiere, où les faux apôtres cachoient sous l’extérieur de brebis des sentimens de loups ravisseurs. Aussi S. Jean disoit aux fideles : Ne croyez point à tout esprit, mais éprouvez les esprits s’ils sont de Dieu. Voyez au Deutéronome, xviij. 20. 21. 22, les marques que Dieu donne pour distinguer les vrais d’avec les faux prophetes. Voyez Calmet. (G)