L’Encyclopédie/1re édition/DECADE

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DECADE, s. f. (Arithm. & Hist.) Quelques anciens auteurs d’Arithmétique se sont servis de ce mot pour désigner ce que nous appellons aujourd’hui dixaine ; il est formé du mot latin decas, dérivé lui-même d’un mot grec qui signifie la même chose. On ne se sert plus de ce mot que pour désigner les dixaines de livres dans lesquelles on a partagé l’histoire romaine de Tite Live. Il ne nous reste plus de cet ouvrage, qui contenoit quatorze décades, que trois décades & demie. La seconde décade, qui contenoit entr’autres l’histoire de la premiere guerre Punique, est perdue ; de sorte que la décade appellée aujourd’hui la seconde, est réellement la troisieme. On a avancé sans aucun fondement, que cette décade perdue existoit dans la bibliotheque des empereurs de Constantinople. Dans ce qui nous reste de Tite Live, le style paroît se ressentir des différens âges où il peut avoir composé. La premiere décade, qu’il a écrite étant plus jeune, est d’un style plus orné & plus fleuri ; la seconde est d’un style plus ferme & plus mâle ; le style de la troisieme est plus foible. On regarde cet historien comme le premier des historiens latins ; cependant il n’est pas douteux que Tacite ne lui soit fort supérieur dans le grand art de démêler & de peindre les hommes, qui est sans contredit la premiere qualité de l’historien : & pour ce qui concerne le style, il paroît que la narration de Salluste, sans être trop coupée, est encore plus énergique & plus vive. A l’égard de la véracité, on lui a reproché d’être trop partial en faveur des Romains ; on peut en voir un exemple dans l’excellente dissertation de M. Melot sur la prise de Rome par les Gaulois, imprimée dans le recueil de l’académie des Belles-Lettres. On lui a reproché aussi l’espece de puérilité avec laquelle il rapporte tant de prodiges ; puérilité qui paroît supposer en lui une crédulité bien peu philosophique ; il n’y a peut-être que Plutarque qui puisse le lui disputer sur ce point. Néanmoins Tite Live peut avoir été digne en effet de la place qu’on lui a donnée, par l’excellence, la pureté, & les autres qualités de son style : mais c’est de quoi aucun moderne ne peut juger. Voyez Latinité. (O)