L’Encyclopédie/1re édition/DÉ

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DÉ, (Jeu de) s. m. Littér. sorte de jeu de hasard fort en vogue chez les Grecs & chez les Romains. L’origine en est très-ancienne, si l’on en croit Sophocle, Pausanias, & Suidas, qui en attribuent l’invention à Palamede. Hérodote la rapporte aux Lydiens, qu’il fait auteurs de tous les jeux de hasard.

Les dés antiques étoient des cubes de même que les nôtres ; c’est pourquoi les Grecs les appelloient κύϐοι : ils avoient par conséquent six faces, comme l’épigramme xvij. du liv. XIV. de Martial le prouve.

Hic mihi bis seno numeratur tessera puncto.


Ce qui s’entend des deux dés avec lesquels on joüoit quelquefois. Le jeu le plus ordinaire étoit à trois dés, suivant le proverbe, ἢ τρεῖς ἕξ, ἢ τρεῖς κύϐοι ; trois six ou trois as, tout ou rien.

Je ne parcourerai point les diverses manieres de joüer aux dés qui étoient en usage parmi les anciens, il me suffira d’indiquer les deux principales : je renvoye pour les autres aux ouvrages des érudits, qui les ont rassemblés dans des livres exprès.

La premiere maniere de joüer aux dés, & qui fut toûjours à la mode, étoit la rafle, que nous avons adoptée. Celui qui amenoit le plus de points emportoit ce qu’il y avoit sur le jeu. Le plus beau coup étoit, comme parmi nous, rafle de six, mot dérivé de ῥᾴως ἀφελών. On le nommoit venus, qui désignoit dans les jeux de hasard le coup le plus favorable. Les Grecs avoient donné les premiers les noms des dieux, des héros, des hommes illustres, & même des courtisanes fameuses, à tous les coups différens des dés. Le plus mauvais coup étoit trois as. C’est sur cela qu’Epicharme a dit, que dans le mariage comme dans le jeu de dés, on amene quelquefois trois six & quelquefois trois as. Outre ce qu’il y avoit sur le jeu, les perdans payoient encore pour chaque coup malheureux : ce n’étoit pas un moyen qu’ils eussent imaginé pour doubler le jeu ; c’étoit une suite de leurs principes sur les gens malheureux, qu’ils méritoient des peines par cela même qu’ils étoient malheureux. Au reste comme les dés ont six faces, cela faisoit cinquante-six combinaisons de coups, savoir six rafles, trente coups où il y a deux dés semblables, & vingt où les trois dés sont différens.

La seconde maniere de joüer aux dés généralement pratiquée chez les Grecs & chez les Romains, étoit celle-ci : celui qui tenoit les dés nommoit avant que de joüer le coup qu’il souhaitoit ; quand il l’amenoit, il gagnoit le jeu : ou bien il laissoit le choix à son adversaire de nommer ce coup ; & si pour lors il arrivoit, il subissoit la loi à laquelle il s’étoit soûmis. C’est de cette seconde maniere de joüer aux dés que parle Ovide dans son art d’aimer, quand il dit,

Et modò tres jactet numeros, modò cogitet aptè,
Quam subeat partem callida, quamque vocet.


Voyez les mém. des Inscript. & Belles-lett. tome I. & les dictionn. des antiq. greq. & rom.

Comme le jeu s’accrut à Rome avec la décadence de la république, celui de dés prit d’autant plus faveur, que les empereurs en donnerent l’exemple. Quand les Romains virent Néron risquer jusqu’à quatre mille sesterces dans un coup de dés, ils mirent bien-tôt une partie de leurs biens à la merci des dés. Les hommes en général goûtent volontiers tous les jeux où les coups sont décisifs, où chaque évenement fait perdre ou gagner quelque chose : de plus, ces sortes de jeux remuent l’ame sans exiger une attention sérieuse dont nous sommes rarement capables ; enfin on s’y jette par un motif d’avarice, dans l’espérance d’augmenter promptement sa fortune ; & les hommes enrichis par ce moyen sont rares dans le monde, mais les passions ne raisonnent ni ne calculent jamais.

Ceux qui tirent avec Ducange l’étymologie du mot jeu de dé, du vieux Gaulois jus de dé, auront beaucoup de personnes de leur avis ; car nous savons que jus autrefois signifioit jugement, que nos anciens poëtes ont dit De pour Dieu ; & personne n’ignore que la superstition n’a fait que trop souvent intervenir la divinité dans les évenemens qui dépendent entierement du hasard. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Dé, (Anal. des hasards.) Il est visible qu’avec deux dés on peut amener trente-six coups différens ; car chacune des six faces du peut se combiner six fois avec chacune des six faces de l’autre. De même avec trois dés on peut amener 36 × 6, ou 216 coups différens : car chacune des 36 combinaisons des deux dés peut se combiner six fois avec les six faces du troisieme dé. donc en général avec un nombre de dés = n, le nombre des coups possibles est 6n.

Donc il y a 35 contre 1 à parier qu’on ne fera pas rafle de 1, de 2, de 3, de 4, de 5, de 6, avec deux dés. Voyez. Mais on trouveroit qu’il y a deux manieres de faire 3, 3 de faire 4, 4 de faire 5, 5 de faire 6, & 6 de faire 7, 5 de faire 8, 4 de faire 9, 3 de faire 10, 2 de faire 11, 1 de faire 12 ; ce qui est évident par la table suivante qui exprime toutes les 36 combinaisons.

2 3 4 5 6 7
3 4 5 6 7 8
4 5 6 7 8 9
5 6 7 8 9 10
6 7 8 9 10 11
7 8 9 10 11 12

Dans la premiere colonne verticale de cette table, je suppose qu’un des dés tombe successivement sur toutes ses faces, l’autre amenant toûjours 1 ; dans la seconde colonne, que l’un des dés amene toûjours 2, l’autre amenant ses six faces, &c. les nombres pareils se trouvent sur la même diagonale. On voit donc que 7 est le nombre qu’il est le plus avantageux de parier qu’on amenera avec deux dés, & que 2 & 12 sont ceux qui donnent le moins d’avantage. Si on prend la peine de former ainsi la table des combinaisons pour trois dés, on aura six tables de 36 nombres chacune, dont la premiere aura 3 à gauche en haut, 13 à droite en bas, & la derniere aura 8 à gauche en haut, & 18 à droite en bas ; & l’on verra par le moyen des diagonales, que le nombre de fois que le nombre 8 peut arriver est égal à 6 + 5 + 4 + 3 + 2 + 1, c’est-à-dire à 21 ; qu’ainsi il y a 21 cas sur 216 pour que ce nombre arrive, qu’il y a 15 cas pour amener 7, 10 pour 6, 6 pour 5, 3 pour 4, 1 pour 3 ; que pour amener 9 il y a un nombre de combinaisons = 5 + 6 + 5 + 4 + 3 + 2 = 25 ; que pour amener 10 il y a 4 + 5 + 6 + 5 + 4 + 3 = 27 ; que pour amener 11 il y a 3 + 4 + 5 + 6 + 5 + 4 = 27 ; que pour amener 12 il y a 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 5 = 25 ; que pour amener 13 il y a 1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 = 21 ; que pour amener 14 il y a 15 ; que pour amener 15 il y a 10 ; que pour amener 16 il y a 6 ; que pour amener 17 il y a 3 ; & pour amener 18, une seule combinaison. Ainsi 10 & 11 sont les deux nombres qu’il est le plus avantageux de parier qu’on amenera avec trois dés, il y a à parier 27 sur 216, c’est-à-dire 1 contre 8, qu’on les amenera ; ensuite c’est neuf ou douze, ensuite c’est huit ou treize, &c.

On peut déterminer par une méthode semblable quels sont les nombres qu’il y a le plus à parier qu’on amenera avec un nombre donné de dés ; ce qu’il est bon de savoir dans plusieurs jeux. Voyez Baraïcus, Trictrac, &c. (O)

, en terme d’Architecture ; c’est le tronc du pié-d’estal, ou la partie qui est entre sa base & sa corniche.

Les Italiens l’appellent dado, & Vitruve le nomme tronc. Voyez Pié-d’estal.

se dit aussi, & des pierres qui se mettent sous des poteaux de bois qui portent un engard, pour les élever de terre crainte qu’ils ne pourrissent, & des petits quarrés de pierre avec une moulure sur l’arrête de dessus, qui servent à porter des vases dans un jardin. (P)

, petit cylindre d’or, d’argent, de cuivre ou de fer, creusé en-dedans, & grené tout-au-tour avec symmétrie, qui sert aux ouvrieres & tailleurs à appuyer la tête de leur aiguille, afin de la pousser plus facilement & sans se piquer les doigts à-travers les étoffes ou autres matieres qu’ils veulent coudre ensemble. Le se met ordinairement au doigt du milieu de la main qui tient l’aiguille.

Il y a deux sortes de dés ; les uns sont fermés par le bout avec la même matiere du  ; les autres sont ouverts par le bout : c’est ordinairement de ceux-ci que se servent les Tailleurs, Tapissiers, &c.

Les dés qui se font à Blois sont extrèmement recherchés.

Les dés de cuivre & de fer font partie du négoce des Merciers, & des maîtres Aiguilliers & Epingliers qui les fabriquent. Voyez la Planche du Tailleur.

Dé à emboutir, est un cube de cuivre à six faces, sur chacune desquelles sont pratiqués des trous de forme & grandeurs différentes, dans lesquels s’emboutissent les fonds des chatons en frappant dessus avec des morceaux de fer appellés bouteroles. Voyez Bouterole.

Chez les Grossiers, ce n’est qu’un morceau de bois avec des trous de diverses grandeurs, dans lesquels ils enfoncent au marteau les pieces d’argent qu’il faut retraindre. Voyez Retrainte. Voyez aussi les figures du Metteur en œuvre & du Joüaillier.