L’Encyclopédie/1re édition/CONSOLATION

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CONSOLATION, s. f. (Morale & Rhétor.) est un discours par lequel on se propose de modérer la douleur ou la peine des autres. Voyez Lieu.

Dans la consolation on doit avoir une attention principale aux circonstances & aux rapports des personnes intéressées. Scaliger examine ceci fort bien dans son art poétique. « Le consolateur, dit-il, est ou supérieur, ou inférieur, ou égal, par rapport à la qualité, l’honneur, la richesse, la sagesse, ou l’âge : car Livie doit consoler Ovide d’une maniere fort différente de celle dont Ovide console Livie. Ainsi quant à l’autorité, un pere & un fils, Cicéron & Pompée, doivent consoler d’une maniere fort différente : de même par rapport à la richesse, si un client vouloit consoler Crassus ; par rapport à la sagesse, comme lorsque Séneque console Polybe & sa mere. Quant à l’âge, on n’a pas besoin d’exemples. »

Un supérieur peut interposer son autorité, & même réprimander. Un homme sage peut disputer, alléguer des sentences. Un inférieur doit montrer du respect & de l’affection, & avoüer que ce qu’il avance il le tient de personnes sages & savantes. Pour les égaux, il les faut rappeller à l’amitié réciproque. Chambers.

Malherbe a adressé à son ami Duperrier une très belle ode pour le consoler de la mort de sa fille, & qui commence ainsi :

Ta douleur, Duperrier, sera donc éternelle, &c.


C’est-là qu’on trouve ces stances si nobles, où le poete personnifiant la mort, la représente comme un tyran qui n’épargne personne, & des coups duquel on doit d’autant plus se consoler, qu’ils sont inévitables dans toutes les conditions.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles, &c.

On pourroit dire à tous ceux qui s’affligent de quelque perte : Le tems fera presque nécessairement ce que la raison & la religion n’auront pas fait, & vous aurez perdu tout le mérite du sacrifice. Un sentiment assez singulier, & qui n’est pas hors de la nature, c’est celui d’un amant qui s’affligeoit de ce qu’il se consoleroit un jour de la perte de celle qu’il aimoit.

* Consolation, (Hist. ecclés.) cérémonie des Manichéens Albigeois, par laquelle ils prétendoient que toutes les fautes de la vie étoient effacées : ils la conféroient à l’article de la mort ; ils l’avoient substituée à la pénitence & au viatique. Elle consistoit à imposer les mains, à les laver sur la tête du pénitent, à y tenir le livre des évangiles, & à réciter sept Pater avec le commencement de l’évangile selon S. Jean. C’étoit un prêtre qui en étoit le ministre. Il falloit pour son efficacité qu’il fût sans péché mortel. On dit que lorsqu’ils étoient consolés, ils seroient morts au milieu des flammes sans se plaindre, & qu’ils auroient donné tout ce qu’ils possédoient pour l’être. Exemple frappant de ce que peuvent l’enthousiasme & la superstition, lorsqu’ils se sont une fois emparés fortement des esprits.

Consolation, terme de Jeu : on donne ce nom dans plusieurs jeux à une espece de tribut qu’on paye, soit à ceux qui ne jouent point, soit à ceux qui jouent & qu’on fait perdre, soit même à ceux qui gagnent, soit à celui qui perd, selon les conventions bisarres des jeux, où l’on a voulu quelquefois que la consolation fût faite par celui qui perd, & qui par conséquent devroit être consolé.