L’Encyclopédie/1re édition/CONSERVE

CONSERVE. (Marine.) On donne ce nom à un navire de guerre qui accompagne & escorte des vaisseaux marchands. Conserve, aller de conserve, se dit de plusieurs vaisseaux qui font voile ensemble & de compagnie, pour se secourir les uns les autres.(Z)

Conserve, s. f. (Pharmacie.) espece de confiture préparée en mêlant exactement certaines fleurs, feuilles, fruits, ou racines exactement pilées ou réduites en pulpe, avec une certaine quantité de sucre.

On s’est propose dans la préparation des conserves (comme dans celle de tous les assaisonnemens par le moyen du sucre) deux vûes principales : la premiere, de conserver des matieres végétales dont on n’auroit pû retenir aussi parfaitement la vertu par aucun autre moyen ; & la seconde, de rendre ces remedes plus agréables aux malades.

Les conserves ont encore une troisieme utilité dans l’art ; elles fournissent un excipient commode dans la préparation des opiates, pilules, & autres prescriptions extemporanées ou magistrales, sous formes solides. Nous allons donner des modeles des différentes especes de conserve. Voici d’abord celle d’une fleur.

Conserve de violettes. Prenez des fleurs de violettes nouvellement cueillies & bien épluchées, une demi-livre, du sucre blanc une livre & demie. On pilera dans un mortier de marbre les violettes jusqu’à ce qu’elles soient en forme de pulpe ; on fera cependant cuire le sucre dans cinq ou six onces d’eau commune en consistence de tablettes ; on le retirera de dessus le feu ; & lorsqu’il sera à demi-refroidi, on y mêlera les violettes pilées, & on versera cette conserve encore chaude dans un pot, & on l’y laissera refroidir sans la remuer.

On demande en général dans cette espece de conserve deux parties de sucre & une partie de fleurs ; mais cette proportion doit varier selon que les fleurs sont plus ou moins aqueuses, ensorte qu’on en fasse entrer davantage pour les conserves des fleurs succulentes, comme on peut le remarquer dans la conserve de violettes que nous avons donnée pour exemple.

Dans le cas où les plantes seroient peu succulentes, Zwelfer prescrit de prendre jusqu’à deux parties & demie de sucre sur une partie de fleurs ; mais il ajoûte une certaine quantité d’eau distillée de la plante qui fait la base de la conserve. Les racines qu’on destine à être mises sous forme de conserve, se préparent d’une façon un peu différente. Voici cette préparation :

Conserve de racine d’enula campana. Prenez des racines fraîches d’enula campana bien épluchées & bien nettoyées, autant que vous voudrez : faites-les bouillir dans une suffisante quantité d’eau de fontaine, jusqu’à ce qu’elles soient bien ramolies : mettez-les alors sur un tamis pour les séparer de l’eau dans laquelle elles ont bouilli ; après quoi vous les pilerez & les réduirez en pulpe que vous passerez par un tamis de crin. A une demi-livre de cette pulpe vous ajoûterez deux livres de sucre cuit en consistence de tablette dans la décoction des racines : vous mêlerez le tout exactement ; & la conserve sera faite.

Conserve de cynorrhodon. Prenez des fruits mûrs de cynorrhodon, connus en François sous le nom de grattecus ; ôtez-en les pepins avec soin ; & après les avoir arrosés d’un peu de vin blanc, mettez-les à la cave où vous les laisserez une couple de jours ; il s’excitera un petit mouvement de fermentation qui les ramollira ; & en cet état ils pourront facilement être pilés dans un mortier de marbre, pour être réduits en pulpe que vous passerez par le tamis de crin ; vous prendrez une livre & demie de sucre que vous ferez cuire en consistence de tablette, & que vous mêlerez sur le champ avec une livre de la pulpe ; & la conserve sera faite.

Conserve de cochlearia. Prenez des feuilles de cochlearia deux onces, pilez-les exactement dans un mortier de marbre, & y ajoûtez du sucre blanc six onces : continuez à piler jusqu’à ce que le sucre & la plante soient bien unis, la conserve sera faite.

Cette conserve se fait à froid, autrement la chaleur dissiperoit les parties volatiles de cette plante.

Toutes les conserves que nous venons de décrire sont appellées dans les boutiques conserves molles, pour les distinguer d’une autre espece qu’on nomme solides, dont nous allons donner un exemple.

Conserve de roses solides. Prenez de roses rouges bien séchées & pulvérisées subtilement, trois onces ; arrosez-les avec une demi-dragme ; ou environ, d’esprit de vitriol ; après cela, prenez du sucre blanc trois livres, de l’eau de roses distillée une suffisante quantité, avec laquelle vous ferez cuire le sucre en consistence de tablettes ; & étant retiré du feu, vous y mêlerez la poudre de rose, & en ferez des tablettes selon l’art.

Nota. L’esprit de vitriol est mis ici pour exalter la couleur des roses. Voyez Coloration. Cette conserve devroit plûtôt être appellée tablettes de rose ; & en effet c’en sont de véritables. Voy. Tablette. (b)