L’Encyclopédie/1re édition/CONGESTION

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CONGESTION, s. m. (Med.) maladie des humeurs.

La congestion est l’amas de quelque matiere morbifique des humeurs, qui se fait lentement dans une partie du corps.

Les humeurs ne pouvant être contenues dans leurs vaisseaux, qu’autant que la capacité des vaisseaux le permet, elles doivent suivre dans leur circulation le cours qui leur est destiné par la nature pour les besoins de la vie. Or toutes les fois que ce cours s’arrête, elles se rassemblent nécessairement en plus grande quantité dans quelque partie du corps, & c’est cette accumulation qu’on appelle congestion. Elle résulte 1°. ou de l’inaction de la partie solide, incapable de dompter & de chasser la matiere qui commence à se former : 2°. ou de la dérivation de la matiere peccante, déja formée ailleurs dans la partie maintenant affectée. Cette dérivation se fait par diverses causes que nous allons exposer, & qui constituent le principe de toutes les maladies avec matiere.

1°. Les humeurs s’accumulent dans les lieux voisins par la solution de continuité des vaisseaux, comme par des blessures, des ruptures, des piquures, & des contusions. 2°. Elles se répandent dans les vaisseaux les plus amples, les plus relâchés, & qui manquent de soutien. 3°. Elles s’épanchent au-dessus des parties obstruées, liées, comprimées. 4°. Le défaut, ou la diminution du mouvement dans les solides & dans les liquides, forment des congestions. 5°. L’excès de mouvement & le frottement produisent le même effet. 6°. Le manque d’absorption occasionne encore des congestions d’humeurs.

Quand elles sont faites, elles causent l’enflure de la partie dans laquelle elles se sont déposées, aggravent cette partie & l’appesantissent ; elles se corrompent, & se putréfient par la stagnation ; elles compriment la partie voisine, rendent son action plus pénible, ou la détruisent. Quelquefois les humeurs ainsi accumulées s’endurcissent, & forment des concrétions incurables ; d’autres fois elles dégénerent en abcès, en suppuration, en ichorosités, en colliquation, &c. En un mot, elles produisent mille sortes de desordres.

Dans le premier genre de causes de ce mal énoncées ci-dessus, il faut diriger la cure, soit à l’ouverture du dépôt, soit à l’évacuation, suivant les circonstances. Dans le second genre de causes, il faut mettre en usage par art des soutiens, des points d’appui, & se servir en même tems des corroborans. Dans le troisieme, après avoir ôté l’obstacle qui procuroit l’obstruction ou la compression, on se conduira comme dans le premier cas. Dans le quatrieme, on doit employer les stimulans, & les discussifs. Dans le cinquieme, suivre une méthode opposée, diminuer la violence du mouvement, calmer, évacuer. Enfin dans le sixieme, rendre la matiere plus fluide, la faire rétrograder dans de plus grands vaisseaux, animer les fibres par des liqueurs chaudes, tenues, aromatiques, appliquer les moyens qui tendent à augmenter l’absorption.

Les congestions de matieres morbifiques paroissent sous tant de faces, que la Medecine pour tâcher de les caractériser, se sert des divers termes de collection, fluxion, dépôt, apostême, délitescence, métastase, toutes expressions assez synonymes dans l’usage, & dont l’art même est embarrassé à crayonner la différence avec précision : voici l’idée que je m’en suis fait, & que je soumets aux lumieres des experts.

Je regarde la collection & la congestion comme signifiant absolument la même chose ; & tandis qu’elles se forment lentement, la fluxion se fait promptement. Le dépôt me paroît un amas d’humeurs dans quelque partie, ordinairement accompagné de douleurs, & souvent de fluxion. Ce mot est encore particulierement consacré en Chirurgie, pour désigner un des accidens qui suivent quelquefois la saignée. Je définirois l’apostême, toute tumeur générale des parties molles contre nature, procédant de matieres humorales, ou réduisibles aux humeurs. Je crois que l’abcès est cette tumeur particuliere contenant du pus, & qui est une suite de l’inflammation. La délitescence pourroit être définie, une rétrocession de matiere provenant d’épanchemens imparfaits. La métastase me semble être un transport d’humeurs morbifiques, d’une partie dans une autre, & qui prend le nom de délitescence, quand elle survient aux apostêmes. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.