L’Encyclopédie/1re édition/CONFLUENT

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CONFLUENT, s. m. (Géog.) lieu où deux rivieres se joignent & mêlent leurs eaux. Voyez Riviere.

Le village nommé Conflans, proche de Paris, est ainsi nommé parce que c’est proche de ce village que se fait la réunion de la Seine & de la Marne.

Quand deux rivieres se rencontrent, il faut qu’elles se joignent pour aller desormais ensemble avec une direction commune, qui ne sera ni l’une ni l’autre des deux différentes qu’elles avoient auparavant. L’angle du confluent, c’est-à-dire celui sous lequel les deux rivieres se rencontrent, étant posé, il est clair que si elles se rencontrent avec des forces parfaitement égales, la direction commune qu’elles prendront divisera cet angle exactement en deux moitiés égales ; mais hors de ce cas-là, qui est unique & extrèmement rare, l’angle ne sera point divisé également, parce que la direction commune formée ou résultante des deux particulieres, tiendra plus de celle qui aura appartenu à la riviere plus forte que de l’autre ; & cela d’autant plus que l’inégalité de forces sera plus grande. Donc la direction commune s’approchera plus de l’une des deux particulieres que de l’autre ; donc elle ne coupera pas en deux également l’angle du confluent formé par ces deux directions. Il s’agit ici de déterminer en général quelle sera la division de cet angle, ou, ce qui est le même, la position de la direction commune. Voici, selon M. Pitot, comment on la détermine.

Les deux rivieres ne prennent une direction commune, qu’après avoir en quelque sorte combattu, & s’être mises en équilibre ; de maniere qu’il n’y aura plus de combat, & qu’elles suivront paisiblement le même cours : la ligne de la direction commune est l’axe de cet équilibre, puisqu’il se fait à ses deux côtés & sur lui, comme sur une suite continue de points d’appui. Les deux forces des deux rivieres sont donc égales aux deux côtés de la ligne de direction commune, & il ne faut plus que les exprimer algébriquement. Ce sont l’une & l’autre les produits de trois quantités : 1°. la masse d’eau de l’une ou de l’autre riviere ; 2°. sa vitesse ; 3°. sa distance à l’axe de l’équilibre ; car cette distance est à considérer toutes les fois qu’il s’agit d’équilibre : or ici l’axe d’équilibre est la même ligne que la direction commune.

De ces trois quantités les deux premieres sont connues, ou supposées connues : reste la troisieme, que l’on tirera aisément d’une équation algébrique.

La distance de l’une des rivieres, ou plûtôt celle de son action sur l’axe d’équilibre, étant perpendiculaire à cet axe ou à la ligne de la direction commune, ce sera aussi le sinus de l’angle que fait avec cette direction la direction primitive de la riviere. On aura donc l’une des deux parties de l’angle du confluent divisé par la direction commune, & l’on aura en même tems l’autre partie.

Si les forces que les deux rivieres ont par elles-mêmes, c’est-à-dire les produits des masses par les vitesses, sont des quantités égales, il est évident que la direction commune divise en deux moitiés égales l’angle du confluent.

Pour prendre de tout ceci une idée encore plus nette, il sera bon de voir quelle sera la position de la direction commune par rapport aux directions particulieres ou primitives, toûjours dans la supposition de cette égalité de force des rivieres, mais en y ajoûtant celle de différens angles du confluent.

Si cet angle est infiniment petit ou aigu, la direction commune sera infiniment inclinée, ou, ce qui est le même, parallele aux deux directions particulieres, ou même confondue avec elles.

Si l’angle du confluent est droit, la direction commune fait un angle de 45 degrés avec chacune des deux particulieres.

Si l’angle du confluent est infiniment obtus, c’est-à-dire si les directions des deux rivieres ne font qu’une même ligne droite, si elles se rencontrent de front, on concevra, ou qu’il ne se forme point de direction commune, ou que s’il y en a une, elle traversera les deux rivieres perpendiculairement à l’une & à l’autre des deux directions particulieres.

Donc la direction ayant commencé par le premier des deux cas extrèmes par avoir la même position que les directions particulieres, & finissant dans le second cas par en avoir une la plus opposée à la leur qui soit possible, il faut que dans tous les cas moyens, à commencer par le premier extrème, elle en ait une toûjours plus différente, & en un mot d’autant plus différente, que l’angle du confluent sera plus grand.

Si l’on ne suppose plus l’égalité des forces naturelles des deux rivieres, il est clair en général que la direction commune n’aura plus la même position à l’égard des deux particulieres, mais qu’elle se portera vers le côté le plus fort.

La direction commune des deux rivieres étant déterminée & connue, la vîtesse commune qu’elles prendront ne l’est pas encore : cette vîtesse sera, comme dans tous les mouvemens composés, moindre que la somme des deux vîtesses primitives ; & voici comment M. Pitot le prouve. La vîtesse des rivieres dépend uniquement de la pente du terrein où elles coulent ; que cette pente immédiatement après la jonction soit la même qu’elle étoit immédiatement auparavant, il y aura égalité entre la somme des deux masses d’eau multipliées chacune par la vitesse particuliere qu’elle avoit avant la jonction, & la somme des mêmes deux masses multipliée par la vîtesse commune qui sera après la jonction. De cette égalité exprimée algébriquement, on tire la valeur de la vîtesse commune, moindre que la somme des deux particulieres & primitives.

Cela paroît bien contraire à ce que M. Guillelmini prétend, que l’union de deux rivieres les fait couler plus vîte (Voy. Fleuve), mais il ne parloit que de causes physiques particulieres, que nous ne considérons pas ici : elles se combinent avec le pur géométrique, & le dérangent beaucoup. Tout ceci est tiré de l’histoire académique 1738.

On peut rapporter à cet article les expériences de MM. Dufay & Varignon sur les mouvemens de deux liquides qui se croisent. Deux tuyaux étant soudés l’un à l’autre, & se croisant, on suppose que l’on pousse une liqueur dans un des tuyaux, & une liqueur différente dans l’autre ; M. Varignon a prétendu, après des expériences qu’il avoit faites, que chaque liqueur sortoit par le tuyau par lequel on l’avoit poussé, & qu’ainsi les deux liqueurs se croisoient. Mais M. Dufay ayant répété cette expérience avec soin, a trouvé que les liqueurs ne se croisoient point, qu’elles se réfléchissoient, pour ainsi dire, au point de concours, pour sortir chacune par le tuyau par lequel elle n’avoit pas été poussée. Voy. mém. acad. des Scienc. 1736. (O)