L’Encyclopédie/1re édition/CONFIDENCE

* CONFIDENCE, s. f. (Gramm.) est un effet de la bonne opinion que nous avons conçûe de la discrétion & des secours d’une personne, en conséquence de laquelle nous lui révélons des choses qu’il nous importe de laisser ignorer aux autres : d’où il s’ensuit que la confidence perd son caractere, & cesse plus ou moins à marquer de l’estime, à mesure qu’elle devient plus générale.

Confidence, (Jurisprud.) est une paction simoniaque & illicite, & une espece de fidéicommis en matiere bénéficiale, qui a lieu lorsque le titulaire d’un bénéfice ne l’acquiert qu’à condition de le conserver à un autre, & de le lui résigner dans un certain tems ; ou lorsqu’il conserve le titre pour lui, mais à la charge de donner les fruits du bénéfice en tout ou en partie au résignant, au collateur, ou à quelqu’autre personne désignée dans la convention.

On dit communément que la confidence est la sœur de la simonie, parce qu’en effet rien n’approche plus de la simonie que la confidence, & qu’il y a de la simonie dans ces sortes de pactions, puisque c’est traiter de quelque chose de spirituel pour un objet temporel.

Le premier exemple que l’on trouve de confidence en matiere de bénéfice, est celui du nonce Tryphon, lequel en 928 consentit, contre les regles, de n’être ordonné que pour un tems patriarche de Constantinople, & de remettre cette dignité à Théophilacte fils de l’empereur Romain I. dit Lecapene, quand il seroit en âge de la posséder. Il n’avoit alors que seize ans.

On voit aussi dans Froissart un autre exemple fameux de confidence, qui est à-peu-près du même tems que le précédent. Herbert comte de Vermandois s’étant emparé de l’archevêché de Reims pour son fils Hugues qui n’étoit encore âgé que de cinq ans, convint avec Odalric évêque d’Aix, que celui-ci feroit les fonctions épiscopales de l’archevêché de Reims jusqu’à ce que Hugues fût en âge ; & en attendant on accorda à Odalric la joüissance de l’abbaye de S. Thimothée, avec une prébende canoniale.

Ce desordre fut fort commun en France dans le xvj. siecle, & sur-tout vers la fin ; plusieurs grands bénéfices, & même des évêchés, étoient possédés par des séculiers, par des hérétiques, par des femmes, auxquels certains ecclésiastiques confidentiaires prêtoient leur nom.

Cependant les lois canoniques & civiles se sont toûjours élevées fortement contre un si grand abus.

Le concile de Rouen tenu en 1501, oblige les confidentiaires, & même leurs héritiers, à restituer les fruits qu’ils ont indûement perçûs.

Les bulles de Pie IV. & de Pie V. des 17 Octobre 1564 & 5 Juin 1569, marquent les présomptions par lesquelles on peut établir la confidence ; savoir 1°. lorsqu’après la résignation le résignant continue à percevoir les fruits du bénéfice ; 2°. si le résignataire donne procuration au résignant ou à ses proches pour passer les baux du bénéfice, & en recevoir les fruits ; 3°. si le résignant fait tous les frais des provisions, & autres expéditions de son résignataire ; 4°. si celui qui a employé le bénéfice pour un autre, ou qui s’y est employé, s’ingere ensuite dans la disposition des choses qui concernent le bénéfice.

Mais comme ces bulles n’ont point été reçûes en France, ni enregistrées dans aucune cour souveraine, les juges qui connoissent des contestations où il peut se trouver des questions de confidence, ne doivent admettre que les présomptions qui sont de droit commun ; il faut qu’elles soient juris & de jure : or la troisieme de celles qui sont marquées dans les bulles dont on a parlé, est fort équivoque, sur-tout si c’étoit un oncle qui eût fait les frais des provisions pour son neveu, & que celui-ci n’eût aucun bien ; la derniere de ces présomptions est très-foible : cela dépend donc beaucoup des circonstances & de la prudence du juge.

Le concile de Bourges tenu en 1584, déclare les bénéfices obtenus ou donnés par voie de confidence vacans de plein droit, & oblige à la restitution ceux qui en ont perçû les fruits ; & non-seulement il prive les confidentiaires de tous les bénéfices ou pensions qu’ils possedent, mais même les déclare incapables d’en obtenir d’autres.

L’édit du mois de Septembre 1610, art. 1. porte que pour ôter les crimes de simonie & de confidence, qui ne sont que trop communs en ce royaume, si quelqu’un est desormais convaincu pardevant les juges auxquels la connoissance en appartient, d’avoir commis simonie, ou de tenir bénéfices en confidence, il sera pourvû auxdits bénéfices comme vacans, incontinent après le jugement donné ; savoir par nomination du Roi, si le bénéfice est du nombre de ceux auxquels il a droit de nommer par les concordats ; ou par les collateurs ordinaires, s’ils dépendent de leur collation.

Cette disposition se trouve rappellée dans l’art. 18. de l’ordonnance de 1669 ; elle veut de plus qu’il soit procédé séverement contre les personnes qui auront commis les crimes de simonie & de confidence, & que les preuves de ces crimes soient reçûes suivant les bulles & constitutions canoniques sur ce faites ; ce qu’il faut néanmoins entendre seulement des bulles reçûes dans le royaume.

Peleus, quest. 127. dit qu’on ne peut contraindre un confidentiaire à résigner un bénéfice, à moins qu’il n’y ait une promesse par écrit ; & en effet on n’est pas admis à vérifier la confidence par la seule preuve testimoniale ; mais elle est admise lorsqu’il y a un commencement de preuve par écrit ; autrement il seroit presque toûjours impossible de prouver la confidence, attendu que ceux qui la commettent ont ordinairement soin de déguiser leurs conventions, & de cacher la confidence.

Le juge royal peut connoître de la confidence incidemment au possessoire du bénéfice.

Le titulaire confidentiaire ne peut pas s’aider de la possession triennale, parce qu’il n’est pas possible qu’il n’ait eu connoissance de la confidence. Rebuffe, de pacif. possess. n. 241. (A)