L’Encyclopédie/1re édition/COLSAT

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* COLSAT, s. m. (Agriculture.) espece de chou sauvage qui ne pomme point, & dont la graine fournit de l’huile.

La plus noire, la plus seche, la plus pleine, & qui paroît la plus onctueuse en l’écrasant, est la meilleure pour le moulin ; elle peut être semée avec de moindres qualités.

Elle est souvent mêlée par le défaut de maturité égale, & l’on distingue la moins mûre à sa couleur un peu rouge.

On attribue cette inégalité aux vers qui se jettent dans les racines des jeunes plantes ; il faut y regarder quand on les transplante, & rebuter celles qui en sont attaquées : le ver doit se trouver dans le nœud.

Son prix varie, selon l’abondance ou la disette ; il dépend aussi des recherches que l’on en fait plus ou moins grandes, selon la réussite des huiles de noix & autres, dans les pays qui en tirent.

On pourroit l’apprétier à 7 liv. 10 s. la rasiere, année commune, depuis dix ans : elle en vaut aujourd’hui 12 : elle pourroit monter jusqu’à 16 liv. par extraordinaire.

La rasiere est une mesure qui doit contenir à-peu-près cent livres poids de marc, la graine étant bien seche, deux rasieres font un sac de ce pays, & six avots font une rasiere.

Il en faut une livre pour semer un cent de terre, qui fait vingt-deux toises quatre piés huit pouces quarrés. C’est sur cette mesure que l’on se déterminera, & sur laquelle on peut employer les plus grands terreins.

La terre legere est la meilleure, pourvû qu’elle n’ait pas moins d’un pié de bon fond, & qu’elle ne soit pas pierreuse.

Celle où l’on seme n’est pas celle où l’on plante.

On doit préparer la premiere en la fumant ; quatre charretées de fumier suffiront, chacune peut peser environ 1400 liv.

Le fumier bien étendu, on y passe la herse pour faire prendre nourriture à la terre ; on laboure peu-après deux ou trois fois, selon qu’elle est chargée d’ordure ; enfin on l’applanit en y ramenant de nouveau la herse pour recevoir la semence dont une livre sur un cent de terre produira dequoi planter une piece de 300.

Si-tôt après la moisson, on fume & on prépare, comme nous avons dit, la terre destinée à planter.

Au surplus, tout le monde sait que l’on fume plus ou moins, selon la chaleur des terres.

Il faut que la terre soit reposée.

On seme vers le 20 de Juillet, vieille ou nouvelle semence, pourvû qu’elle soit assez bonne, & l’on plante au commencement d’Octobre.

Quand la terre est ensemencée, il n’est plus question que de laisser croître les plantes, qui doivent être suffisamment montées à la fin de Septembre.

On les déplante pour lors par un beau jour ; on rebute les véreuses & les languissantes, & on les transporte sur l’autre terre préparée comme il a été dit : on y fait des trous avec un plantoir, à la distance de demi-pié en ligne perpendiculaire, & d’un pié en ligne horisontale : chaque trou reçoit sa plante, qu’un homme resserre avec le pié à mesure qu’un enfant la place.

Tous les huit piés, on fait une rigole en talud d’un pié d’ouverture, & autant de profondeur ; on en jette la terre à droite & à gauche, sur la distance d’un pié qu’on a laissé pour cela entre chaque plante : c’est ce qu’on appelle recouvrir. Cela se fait pour l’écoulement des eaux, & pour garantir de la gelée.

Il n’y a plus d’autre façon à donner, à moins que d’arracher les mauvaises herbes, s’il en poussoit assez pour étouffer.

Il n’y a que des évenemens extraordinaires qui puissent nuire au colsat dans toutes les saisons ; tous les tems lui sont propres, si l’on en excepte les gelées trop fortes & tardives, les grands orages, la grêle, & les grands brouillards, dans le tems de sa maturité.

On fait la récolte à la fin de Juin, quand la graine est prête à épiler ; & pour éviter cet accident, on se garde de la laisser trop mûrir pour recueillir.

On scie avec la faucille, & l’on couche les tiges sur terre comme le blé ; on les y laisse pendant deux beaux jours : si la pluie ne permet pas de les relever après ce tems, il faut attendre.

On les releve dans un drap, & on les porte au lieu préparé pour faire la meule sur la même piece de terre, afin de ne pas perdre la graine ; on y fait autant de meules que la dépouille en demande : celle de huit cents de terre doit suffire pour une meule ; & pour la faire, on forme une terrasse bien seche & bien battue, de vingt piés quarrés ; on y met un lit de paille, sur lequel on arrange les tiges la tête en-dedans ; on arrondit cette meule dès le pié jusqu’à la hauteur de trois toises plus ou moins, en terminant en pain de sucre, & l’on couvre le dessus pour être à l’abri de la pluie.

Quand les grands vents la mettent en danger de culbuter, on a soin de l’étayer.

Le colsat repose ainsi jusqu’après la moisson, à moins que l’on n’ait lieu de craindre l’échauffement de la graine ; ce qui pourroit arriver par des tems fort pluvieux, ou pour l’avoir recueillie trop verte.

Il est essentiel de choisir un beau jour pour défaire la meule ; mais avant tout on prépare au pié une plate-forme battue, aussi dure que les battines de grange ; & c’est là-dessus que l’on bat à mesure que la meule se défait, avec la précaution de n’enlever les tiges que dans un drap.

Dès qu’on en a battu une certaine quantité, il faut retirer avec un rateau la paille écrasée ; cela aide à bien battre le reste, & fait perdre moins de graine.

Quand tout est battu, on la nettoye par le moyen d’un puroir.

Il y en a de deux sortes. L’un est un grand tambour troüé en rond, pour y faire passer la graine : c’est le premier dont on se sert, & on rejette au rebut ce qui reste dans le tambour.

Le second est aussi un tambour dont les trous sont en long, pour y faire passer la poussiere, en y mettant ce qui a passé par le premier.

En tamisant, on a soin de retirer vers les bords ce qui peut rester de gros marc, & l’on fait toûjours la même chose jusqu’à la fin.

La graine ainsi purifiée, on la porte dans des sacs au grenier, & on l’y garde comme le blé, jusqu’à ce qu’on la vende. Si l’on y trouvoit un peu d’humidité, il faudroit la remuer.

Le plancher du grenier doit être d’autant moins ouvert, que la graine est petite. Bien des gens y étendent une grande toile pour l’y renverser.

Il est bon d’observer qu’elle ne profite pas dans le grenier ; c’est pourquoi l’on s’en défait le plûtôt que l’on en trouve un prix.

Tout ce qui reste de paille courte ou hachée, on le donne aux pauvres, ou bien on le brûle sur les lieux : c’est un engrais.

Les tiges battues servent à échauffer le four, ou pour le feu des pauvres. Les fermiers qui n’en font pas cet usage, les vendent assez ordinairement.

Il ne faut à la graine aucune façon, après qu’elle est recueillie : pour la porter au moulin, tous les tems sont propres quand il y a du vent, excepté par les gelées fortes.

Vingt rasieres de graine rendent année commune quatre tonnes d’huile, chaque tonne pesant 200 liv. poids de marc, sans y comprendre la futaille.

Il faut encore observer que le marc de l’huile se met à profit : on en fait des tourteaux, qui entretiennent le lait des vaches pendant l’hyver, en les délayant dans le boire.

On s’en sert aussi à fumer les terres, en les réduisant en poussiere. C’est un engrais un peu cher.

Ces tourteaux sont de la figure d’une gauffre de quatorze pouces de long & huit de large, sur demi-pouce d’épaisseur : ils doivent peser chacun huit livres & demie poids de marc, selon les ordonnances de la province.

Ils se font à la presse, que le vent fait agir dans le moulin.

Vingt rasieres de colsat rapportent ordinairement 550 tourteaux. Dans un pays où l’on ne feroit point cas des tourteaux, la diminution du profit seroit bien grande.