L’Encyclopédie/1re édition/CHIT-SE

CHIT-SE, s. m. (Bot. exotiq.) arbre des plus estimé à la Chine pour la beauté & la bonté de son fruit. Je lui connois ces qualités par gens qui ont été dans le pays, & plus encore par une relation du P. Dentrecolles missionnaire, insérée dans les lettres édifiantes, tom. XXIV. dont voici le précis.

Les provinces de Chantong & de Homan ont les campagnes couvertes de chit-ses, qui sont presque aussi gros que des noyers. Ceux qui croissent dans la province de Tche-kiang, portent des fruits plus excellens qu’ailleurs. Ces fruits conservent leur fraîcheur pendant tout l’hyver. Leur figure n’est pas partout la même : les uns sont ronds ; les autres allongés & de forme ovale ; quelques-uns un peu plats, & en quelque sorte à deux étages semblables à deux pommes qui seroient accolées par le milieu. La grosseur des bons fruits égale celle des oranges ou des citrons : ils ont d’abord la couleur de citron, & ensuite celle d’orange. La peau en est tendre, mince, unie, & lissée. La chair du fruit est ferme, & un peu âpre au goût ; mais elle s’amollit en mûrissant : elle devient rougeâtre, & acquiert une saveur douce & agréable ; avant même l’entiere maturité, cette chair, lorsque la peau en est ôtée, a un certain mêlange de douceur & d’âpreté qui fait plaisir, & lui donne une vertu astringente & salutaire.

Ce fruit renferme trois ou quatre pepins pierreux, durs, & oblongs, qui contiennent la semence. Il y en a qui étant nés par artifice, sont destitués de pepins, & ils sont plus estimés. Du reste, il est rare que ces fruits mûrissent sur l’arbre : on les cueille en automne, lorsqu’ils sont parvenus à leur grosseur naturelle : on les met sur de la paille ou sur des claies où ils achevent de mûrir.

Ce détail ne convient qu’à l’arbre qu’on prend soin de cultiver. Pour ce qui est du chi sauvage, il a un tronc tortu, ses branches entrelacées & semées de petites épines : le fruit n’en est plus gros qu’une pomme-rose de la petite espece. La culture de ces arbres consiste principalement dans l’art de les enter plusieurs fois ; alors les pepins du fruit deviennent plus petits, & même quelquefois le fruit n’a point de pepin.

Les arboristes Chinois font des éloges magnifiques de l’arbre chi ; les plus modérés lui reconnoissent sept avantages considérables ; 1o de vivre un grand nombre d’années produisant constamment des fruits ; 2o de répandre au loin une belle ombre ; 3o de n’avoir point d’oiseaux qui y fassent leurs nids ; 4o d’être exempt de vers & de tout autre insecte ; 5o d’avoir des feuilles qui prennent les couleurs les plus agréables, lorsqu’il a été couvert de gelée blanche ; 6o d’engraisser la terre avec ses mêmes feuilles tombées, comme feroit le meilleur fumier ; 7o de produire de beaux fruits d’un goût excellent.

Les Chinois ont coûtume de les sécher de la maniere à-peu-près qu’on seche les figues. Ils choisissent ceux qui sont de la plus grosse espece, & qui n’ont point de pepins ; ou s’ils en ont, ils les tirent proprement : ensuite ils pressent insensiblement ces fruits avec la main pour les applatir, & ils les tiennent exposés au soleil & à la rosée. Quand ils sont secs, ils les ramassent dans un grand vase jusqu’à ce qu’ils paroissent couverts d’une espece de gelée blanche qui est leur suc spiritueux, lequel a pénétré sur la surface. Ce suc rend l’usage de ce fruit salutaire aux pulmoniques. On prendroit ces fruits ainsi sechés pour des figues, & alors ils sont de garde. La meilleure provision qui s’en fasse, c’est dans le territoire de Kent-cheou de la province de Chantong. Sans doute que le fruit a dans ce lieu-là plus de corps & de consistance : en effet, quand il est frais cueilli & dans sa maturité, en ouvrant tant soit peu sa peau, on attire & on suce avec les levres toute sa pulpe, qui est très-agréable.

Sans examiner quelle confiance mérite le récit du P. Dentrecolles, & autres voyageurs, sur l’excellence du chit-se & de son fruit, il ne seroit peut-être pas difficile d’en juger par nous-mêmes en Europe. L’arbre y croîtroit aisément suivant les apparences, puisqu’il vient à merveille dans les parties méridionales & septentrionales de la Chine, dans un pays chaud comme dans un pays froid : il ne s’agiroit presque que d’avoir des pepins, & l’on ne manqueroit pas de moyens pour y parvenir. On n’est souvent privé des choses, que faute de s’être donné dans l’occasion quelques soins pour se les procurer. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.