L’Encyclopédie/1re édition/CHEF-D’OEUVRE

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* Chef-d’œuvre, (Arts & Mét.) c’est un des ouvrages les plus difficiles de la profession, qu’on propose à exécuter à celui qui se présente à un corps de communauté pour en être reçû membre, après avoir subi les tems prescrits de compagnonage & d’apprentissage par les reglemens de la communauté. Chaque corps de communauté a son chef-d’œuvre ; il se fait en présence des doyens, syndics, anciens, & autres officiers & dignitaires de la communauté ; il se présente à la communauté, qui l’examine ; il est déposé. Il y a des communautés ou l’on donne le choix entre plusieurs chefs-d’œuvre à l’aspirant à la maitrise ; il y en a d’autres où l’on exige plusieurs chefs-d’œuvre. Voyez dans les reglemens de ces communautés, ce qui se pratique à la réception des maîtres. Le chef-d’œuvre de l’Architecture est une piece de trait, telle qu’une descente biaise par tête & en talud qui rachete un berceau : celui des Charpentiers, est la courbe rampante d’un escalier : celui des ouvriers en soie, soit pour être reçûs compagnons, soit pour être reçûs maîtres, est la restitution du métier dans l’état qui convient au travail, après que les maîtres & syndics y ont apporté tel dérangement qu’il leur a plû, comme de détacher des cordages, casser des fils de chaîne par courses interrompues. On ne voit guere quelle peut être l’utilité des chefs-d’œuvre : si celui qui se présente à la maîtrise sait très-bien son métier, il est inutile de l’examiner ; s’il ne le sait pas, cela ne doit pas l’empêcher d’être reçû, il ne fera tort qu’à lui-même ; bien-tôt il sera connu pour mauvais ouvrier, & forcé de cesser un travail ou ne réussissant pas, il est nécessaire qu’il se ruine. Pour être convaincu de la vérité de ces observations, il n’y a qu’a savoir un peu comment les choses se passent aux réceptions. Un homme ne se présente point à la maîtrise qu’il n’ait passé par les préliminaires ; il est impossible qu’il n’ait appris quelque chose de son métier pendant les quatre à cinq ans que durent ces préliminaires. S’il est fils de maître, assez ordinairement il est dispensé de chef-d’œuvre ; s’il ne l’est pas, fût-il le plus habile ouvrier d’une ville, il a bien de la peine à faire un chef-d’œuvre qui soit agréé de la communauté, quand il est odieux à cette communauté : s’il est agréable au contraire, ou qu’il ait de l’argent, fût-il le plus ignorant de tous les ouvriers, il corrompra ceux qui doivent veiller sur lui tandis qu’il fait son chef-d’œuvre ; ou il exécutera un mauvais ouvrage qu’on recevra comme un chef-d’œuvre ; ou il en présentera un excellent qu’il n’aura pas fait. On voit que toutes ces manœuvres anéantissent absolument les avantages qu’on prétend retirer des chefs-d’œuvre & des communautés, & que les corps de communauté & de manufacture n’en subsistent pas moins.