L’Encyclopédie/1re édition/CHAM, ou CHAN, ou KAN

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CHAM, ou CHAN, ou KAN, s. m. (Hist. mod.) ce nom qui signifie prince ou souverain, n’est guere en usage que chez les Tartares, qui le donnent indifféremment à leurs princes régnans, de quelque médiocre étendue que soient leurs états. Quelques écrivains cependant ont voulu mettre de la distinction entre le titre de chaam & celui de cham, & ont prétendu que le premier marque une grande supériorité sur l’autre : mais l’on sait aujourd’hui que les Tartares ne connoissent point d’autre titre de souveraineté que celui de cham. Ainsi le prince des Calcha-Moungales, qui est sous la protection de l’empereur de la Chine, ne porte pas moins que lui le titre de cham ; ce qui prouve évidemment que cette distinction est imaginaire.

Au reste il n’est permis chez les Tartares qu’au légitime successeur de prendre le nom de cham ; & tous les princes de sa maison sont obligés de se contenter de celui de sultan qui leur est affecté. Leur état même & leurs apanages sont si sagement réglés, que si d’un côté on les met dans l’impuissance de cabaler & de troubler le repos public, de l’autre ils n’ont rien à craindre, ni pour leur vie, ni pour leur bien, de la part du gouvernement ; & cette raison fait qu’on ne voit jamais chez les habitans du nord de l’Asie, ces sortes de catastrophes d’une politique barbare, si ordinaires dans les autres cours de l’orient, où un prince n’est pas plûtôt monté sur le thrône, que pour sa sûreté il commence par sacrifier ses freres & ses parens.

Le grand cham, ou le contaisch des Kalmoucs, est indépendant de tout autre prince, & il a sous lui beaucoup d’autres chams, qui sont ses vassaux ou ses tributaires. Il habite entre les 43 & 55e degrés de latitude septentrionale : tous les autres sont vassaux de quelques autres grands princes.

Le cham de la petite Tartarie ou de Crimée est soûmis au grand-seigneur, qui le dépose & l’exile quand il juge à propos. Cette supériorité oblige le cham de Crimée de se trouver avec un corps de troupes nationales, lorsque le grand-seigneur commande les armées en personne : leurs troupes, comme celles de tous les autres Tartares, ne consistent qu’en cavalerie. Mais lorsque le cham est à la tête de son armée, il est obligé d’envoyer son fils ainé à Constantinople, plus pour servir d’ôtage à la fidélité de son pere, que pour assûrer l’empire Ottoman dans la famille du cham ; parce que dans les conventions faites entre la Porte & le cham des Tartares, ce dernier est appellé à la succession du grand seigneur, au cas que la maison des Ottomans vienne à manquer d’héritiers mâles.

On donne aussi en Perse le titre de cham, kan, ou chan, aux principaux seigneurs & aux gouverneurs de provinces, qui sont obligés d’entretenir un certain nombre de troupes pour le service du sophi.

Sperlingius, dans sa Dissertation sur le titre de koning, qui dans la langue allemande & dans celles du nord signifie roi, croit que le nom de kan est dérivé de celui de koning, ou koing : mais ne pourroit-on pas dire au contraire, que comme les Tartares sont plus anciens que les peuples du nord, c’est de leur langue qu’on a tiré le titre de koing, c’est-à-dire roi sur les Tartares. Voyez la relation fort curieuse qui en a été imprimée à Amsterdam en 1737. (a)

Cham, (Géog. mod.) contrée maritime d’Asie, du royaume de la Cochinchine.