L’Encyclopédie/1re édition/CHACABOUT, ou XACABOUT

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CHACABOUT, ou XACABOUT, comme on l’écrit dans les Indes, sub. m. (Hist. mod.) est une sorte de religion qui s’est répandue dans le Tunquin, à la Chine, au Japon, & à Siam. Xaca, qui en est l’auteur, y enseigna pour l’un de ses principes la transmigration des ames, & assûra qu’après cette vie il y avoit des lieux différens pour punir les divers degrés de coupables, jusqu’à ce qu’après avoir satisfait chacun selon l’énormité de ses péchés, ils retournoient en vie, sans finir jamais de mourir ou de vivre : mais que ceux qui suivoient sa doctrine, après un certain nombre de résurrections, ne revenoient plus, & n’étoient plus sujets à ce changement. Pour lui il avoüoit qu’il avoit été obligé de renaître dix fois, pour acquérir la gloire à laquelle il étoit parvenu ; après quoi les Indiens sont persuadés qu’il fut métamorphosé en éléphant blanc. C’est delà que vient le respect que les peuples du Tunquin & de Siam ont pour cet animal, dont la possession même a causé une guerre cruelle dans les Indes. Quelques-uns croyent que Xaca étoit Juif, ou du moins qu’il s’étoit servi de leurs livres. Aussi dans les dix commandemens qu’il avoit prescrits, il s’en trouve plusieurs conformes à ceux du Décalogue, comme d’interdire le meurtre, le larcin, les desirs déréglés, & autres.

Quant au tems où il a vécu, on le fait remonter jusqu’au regne de Salomon : on a même conjecturé que ce pouvoit bien être quelqu’un de ces misérables que ce grand roi chassa de ses états, & qu’il exila dans le royaume de Pégu pour y travailler aux mines ; c’est du moins une ancienne tradition du pays. La doctrine de cet imposteur fit d’abord de grands progrès dans le royaume de Siam ; & delà elle s’étendit à la Chine, au Japon, & aux autres états, où les bonzes se vantent d’être les disciples des Talapoins, sectateurs de Xaca. Mais le royaume de Siam n’est plus aujourd’hui la source de toutes leurs fausses doctrines, puisque les Siamois mêmes vont s’instruire de la doctrine de Xaca dans le royaume de Locos, comme dans une université. Sur quoi voyez le pere Tissanier, jésuite françois, qui étoit au Tunquin en 1658, 1659, & 1660, dans la relation qu’il a faite de son voyage. Voyez aussi Tavernier, dans ses voyages des Indes. (a)