L’Encyclopédie/1re édition/CARRELÉ

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 702-703).
◄  CARRELER
CARRELET  ►

* CARRELÉ, adj. pris subst. dans les Manufactures en soie, espece d’étoffe qui n’est pas moins à la mode aujourd’hui que le cannelé, surtout quand elle a du fond, & qu’elle est un peu riche.

Le carrelé & le cannelé sont l’un & l’autre composés de quarante portées de chaînes, un peu plus ou un peu moins, & d’un pareil nombre de portées de poil ; c’est pourquoi nous joignons ici ces étoffes. La chaîne est montée, comme le gros-de-Tours, sur quatre lisses pour lever, quatre de rabat, & de même pour le poil. Pour faire le cannelé ordinaire par le poil, on passe trois coups à l’ordinaire, on broche pareillement sans toucher au poil : le quatrieme coup on fait lever tout le poil, & baisser la moitié de la chaîne, en passant un coup de navette beaucoup plus fin que les trois premiers ; le poil se trouve arrêté par ce moyen. Ce même poil qui a demeuré trois coups sans travailler, forme une longueur d’une ligne au moins dans le travers de l’étoffe, avant que d’être arrêté ; & quand il l’est au quatrieme coup, sa reprise forme le coup de cannelé ; après quoi on recommence le course, & on continue.
Démonstration de l’armure d’un cannelé

Lorsque la dorure & les nuances sont liées dans le cannelé, il se travaille comme le gros-de-Tours ; & quand la dorure & les nuances sont liées par la découpure, comme dans les satins réduits, pour-lors on supprime totalement le liage.

On peut faire les carrelés à la marche & à la tire. Les carrelés à la tire n’ont besoin d’aucune lisse de poil, & sont les plus aisés, parce que le dessein indique & détermine la façon ; ce qui n’est pas aussi commode avec la marche, qui ne peut varier le carrelé dans le fond, comme font le dessein & la tire.

Pour faire un carrelé à la marche, il faut remettre, c’est-à-dire, passer le poil dans les lisses autrement que pour les autres. On passe 8, 12, & même 16 fils de poil sur une même lisse, par exemple, sur la premiere ; autant sur la seconde, autant sur la troisieme, & autant sur la quatrieme.

On passe trois coups en faisant lever deux lisses du poil en taffetas, c’est-à-dire, une prise & une laissée, tandis que les deux autres reposent, leur poil restant sans travailler. Au quatrieme coup on fait lever les lisses qui ont passé trois coups sans travailler, & on laisse reposer les deux autres pendant trois coups aussi, après quoi on les fait relever ; ce qui forme le carrelé. On voit au-dessous de l’armure du carrelé sa figure : quant au reste du travail, c’est le même que pour le cannelé. Voici l’armure du carrelé.

Démonstration de l’armure d’un carrelé à la marche

On a fait des carrelés dont le poil étoit composé d’un fil d’or ou d’argent : ces étoffes ne different du carrelé de soie, qu’en ce qu’on ne met sur chaque lisse de poil qu’autant de fils que l’on en veut pour faire la figure du carrelé : par exemple, si on ne met que deux fils de suite sur la même lisse, elle ne marquera pas comme s’il y en avoit ou trois, ou quatre ; & ainsi du reste.