L’Encyclopédie/1re édition/CARAVANSERAI

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 673).

CARAVANSERAI, s. m. (Hist. mod.) grand bâtiment public destiné à loger les caravanes. Voyez Caravane.

Ce mot vient de l’Arabe cairawan ou du Persan karwan, qui signifie caravane & de serrai, hôtel ou grande maison, c’est-à-dire, hôtelerie des voyageurs.

Ces caravanserais, ou, comme Chardin les appelle, caravanserails, sont en grand nombre dans l’Orient, où ils ont été bâtis par la magnificence des princes des différens pays.

Ceux de Schiras & de Casbin en Perse passent pour avoir coûté plus de soixante mille écus à bâtir ; ils sont ouverts à tous venans, de quelque nation & religion qu’ils soient, sans que l’on s’informe ni de leur pays, ni de leurs affaires, & chacun y est recû gratis.

Les caravanserais som ordinairement un vaste & grand bâtiment quarré, dans le milieu duquel se trouve une cour très-spacieuse : sous les arcades qui l’environnent, regne une espece de banquette élevée de quelques piés au-dessus du rez de chaussée, où les marchands & voyageurs se logent comme ils peuvent eux & leurs équipages ; les bêtes de somme étant attachées au pié de la banquette. Au-dessus des portes qui donnent entrée dans la cour, il y a quelquefois de petites chambres que les concierges des caravanserais savent loüer fort cher à ceux qui veulent être en particulier.

Quoique les caravanserais tiennent en quelque sorte lieu en Orient des auberges, il y a cependant une différence très-grande entr’eux & les auberges ; c’est que dans les caravanserais, on ne trouve absolument rien ni pour les hommes ni pour les animaux, & qu’il y faut tout porter ; ils sont ordinairement bâtis dans des lieux arides, stériles & deserts, où l’on ne peut faire venir de l’eau que de loin & à grands frais, n’y ayant point de caravanserai sans sa fontaine. Il y en a aussi plusieurs dans les villes où ils servent non seulement d’auberge, mais encore de boutique, de magasin, & même de place de change.

Il n’y a guere de grandes villes dans l’Orient, surtout de celles qui sont dans les états du grand seigneur, du roi de Perse, & du Mogol, qui n’ayent de ces sortes de bâtimens. Les caravanserais de Constantinople, d’Ispahan, & d’Agra, capitales des trois empires, sont sur-tout remarquables par leur magnificence & leur commodité.

En Turquie, il n’est permis qu’à la mere & aux sœurs du grand seigneur, ou aux visirs & bachas qui se sont trouvés trois fois en bataille contre les Chrétiens, de fonder des caravanserais. (G)