L’Encyclopédie/1re édition/CAPITAN BACHA ou CAPOUDAN BACHA

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 631-632).
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CAPITAN BACHA ou CAPOUDAN BACHA, s. m. (Hist. mod.) c’est en Turquie le grand amiral. Il possede la troisieme charge de l’empire, & a sur mer autant de pouvoir que le grand-visir en a sur terre. Ce commandant n’avoit point autrefois le titre de capitan bacha ou d’amiral ; il n’étoit que beg de Gallipoli. Soliman II. institua cette charge en faveur du fameux Barberousse, & y attacha une autorité absolue sur tous les officiers de la marine & de l’arsenal, que le capitan bacha peut punir, casser, & faire mourir dès qu’il est hors du détroit des Dardannelles. Il commande dans toutes les terres, les villes, châteaux, & forteresses maritimes ; visite les places, les fortifications, les magasins ; ordonne des réparations, des munitions de guerre & de bouche ; change les milices, & tient conseil pour recevoir les plaintes des officiers.

Lorsque cet officier est à Constantinople, il a droit de police dans les villages de la côte du port & du canal de la mer Noire, qu’il fait exercer ou par son keaja ou lieutenant, ou par le bostangi bachi.

La marque de son autorité est une grande canne d’inde, qu’il porte à la main dans l’arsenal & à l’armée. Son canot, par un privilége réservé seulement au grand-seigneur, est couvert d’un tendelet, & armé d’un éperon à la proue. Il dispose des places de capitaines de vaisseau & de galere, vacantes par mort.

Cet officier a une copie de l’état des troupes de mer & des fonds destinés pour l’entretien des armées navales. Trois compagnies de Janissaires composent sa garde : elles débarquent par-tout où la flotte séjourne, & campent devant la galere du général. Sa maison, sans être aussi nombreuse que celle du grand-visir, est composée des mêmes officiers ; & quand la flotte mouille dans un port, il tient un divan ou conseil composé des officiers de marine.

Le capitan bacha joüit de deux sortes de revenus ; les uns fixes, & les autres casuels. Les premiers proviennent de la capitation des îles de l’Archipel, & certains gouvernemens & bailliages de la Natolie & de Romelie, entre autres de celui de Gallipoli, que le grand-seigneur lui donne en apanage avec la même étape que celle du grand-visir. Ses revenus casuels consistent en ce qu’il tire de la paye des bénévoles, & de la demi-paye de ceux qui meurent pendant la campagne, qu’il partage avec le Tersana Emini. Il a encore le cinquieme des prises que font les begs, & loue ses esclaves pour mariniers & rameurs sur les galeres du grand-seigneur, à raison de 50 écus par tête, sans qu’ils lui coûtent rien à nourrir ni à entretenir ; parce qu’au retour de la flotte, il les fait enfermer avec ceux de sa hautesse. Les contributions qu’il exige dans les lieux où il passe, augmentent considérablement ses revenus casuels. Guer, Mœurs & usag. des Turcs, tom. II. (G)