L’Encyclopédie/1re édition/CALE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 547-548).

CALE, s. f. (en Architecture.) est un petit morceau de bois mince qui détermine la largeur du joint de lit d’une pierre. Mettre une pierre sur cales, c’est la poser sur quatre cales, de niveau & à demeure, pour ensuite la ficher avec un mortier fin. On se sert quelquefois de cales de cuivre ou de plomb pour poser le marbre. (P)

Cale, fond de cale, (Marine.) c’est la partie la plus basse d’un navire qui entre dans l’eau, sous le franc tillac ; elle s’étend de poupe en proue. Le fond de cale comprend tout l’espace compris depuis la carlingue jusqu’au franc tillac ou premier pont. C’est le lieu où l’on met les munitions & les marchandises. Voyez Planche IV. fig. 1. n°. 31. le fond de cale & sa distribution, ses cloisons & séparations. Il n’y a point d’usage particulier pour sa distribution, qui se fait suivant la destination du bâtiment.

On tient le fond de cale plus large dans les vaisseaux qu’on destine pour charger à cueillette ou au quintal, que dans les autres ; parce que la diverse maniere des paquets, des tonneaux, des caisses, & de toutes les choses qu’on y charge, fait qu’il est plus difficile de les bien arrimer. Voyez Arrimer, Arrimage, Cueillette

Dans le combat, si l’on a des prisonniers ou des esclaves contre lesquels on doive être en garde, on les enferme sous le tillac dans le fond de cale.

Cale, donner la cale, (Marine.) c’est une sorte d’estrapade en usage parmi les gens de mer, à laquelle on condamne ceux de l’équipage qui sont convaincus d’avoir volé, blasphémé, ou excité quelque révolte. Il y a la cale ordinaire & la cale seche : lorsqu’on donne la cale ordinaire, on conduit le criminel vers le plat bord, au-dessous de la grande vergue, & là on le fait asseoir sur un bâton qu’on lui passe entre les jambes, afin de le soulager ; il embrasse un cordage auquel ce bâton est attaché, & qui répond à une poulie suspendue à un des bouts de la vergue. Ensuite trois ou quatre matelots hissent cette corde le plus promptement qu’ils peuvent, jusqu’à ce qu’ils ayent guindé le patient à la hauteur de la vergue ; après quoi ils lâchent le cordage tout-à-coup ; ce qui le précipite dans la mer. Quelquefois quand le crime est tel qu’il fait condamner celui que l’on veut punir, à une chûte plus rapide, on lui attache un boulet de canon aux piés. Ce supplice se réitere jusqu’à cinq fois, selon que la sentence le porte. On l’appelle cale seche, quand le criminel est suspendu à une corde raccourcie, qui ne descendant qu’à quelques piés de la surface de l’eau, empêche qu’il ne plonge dans la mer ; c’est une espece d’estrapade. Ce châtiment est rendu public par un coup de canon qu’on tire, pour avertir tous ceux de l’escadre ou de la flotte d’en être les spectateurs.

Donner la grande cale, ou donner la cale par-dessous la quille, (Marine.) c’est une sorte de punition qu’on pratique à la mer parmi les Hollandois : on mene le coupable au bord du vaisseau, & on y attache une corde, au milieu de laquelle il est lié par le milieu du corps, ou bien on amene la vergue sur le vibord, & ayant mis le coupable sur le bout, on y attache la corde. Autour de son corps on met quelque chose de pesant, ou bien on l’attache à ses piés ; la corde est aussi longue qu’il faut pour passer sous la quille du vaisseau ; un des bouts en est tenu de l’autre côté par quelques-uns des plus forts matelots de l’équipage, & l’autre bout est celui qui est attaché au vibord ou à la vergue. Le coupable, à l’ordre qu’en donne le quartier-maître, étant jetté à la mer ; ceux qui tiennent la corde à l’autre bord du vaisseau, la tirent le plus vîte qu’ils peuvent, desorte qu’il passe avec une grande rapidité dans l’eau sous la quille. On recommence même quelquefois, & on le jette autant de fois que la sentence le porte. Ce châtiment est rude & dangereux ; car le moindre défaut de diligence ou d’adresse de la part de ceux qui tirent la corde, ou quelqu’autre petit accident, peut être cause que celui qu’on tire, se rompe ou bras ou jambes, & même le cou ; aussi l’on met ce chatiment au rang des peines capitales. (Z)

Cale, (Marine.) c’est un abri sur la côte. Voyez Calangue.

Cale, se dit encore d’un terrein creusé d’une certaine longueur & largeur dans un chantier de construction, préparé en pente douce, & s’étendant jusque dans la mer pour tirer les vaisseaux à terre lorsqu’il est question de les radouber.

On a long-tems agité en France si les cales étoient plus avantageuses pour la construction que les formes : mais les formes paroissent l’avoir emporté. Le principal inconvénient que l’on trouve dans les cales, c’est que le vaisseau est en danger de tomber sur le côté quand on le tire sur la cale, ou qu’on le remet à l’eau ; & quand le navire reste sur la cale, il ne peut être soûtenu que par des coittes, qui ne pouvant aller d’un bout à l’autre du vaisseau, à cause du relevement des façons de l’arriere & de l’avant, n’en soûtiennent qu’une partie, pendant que le devant & le derriere qui ne sont soûtenus de rien souffrent beaucoup. D’ailleurs la cale étant plus étroite que le vaisseau, on ne peut l’épontiller d’un bout à l’autre. Ces inconvéniens ne se rencontrent point dans la forme.

Pour qu’une cale soit dans sa perfection, il faut que le fond en soit fort solide & extrèmement uni, conservant une pente douce & égale d’environ 6 à 8 lignes par pié ; desorte qu’elle devient extrèmement longue, & peut avoir environ 600 piés de long sur 25 à 30 piés de large. Il faut qu’elle s’étende sous l’eau de façon qu’il y ait au moins 21 piés d’eau au bout, afin qu’un navire se puisse porter tout entier sur la cale, & que la quille touche d’un bout à l’autre dans le même moment ; car un vaisseau dont une partie touche & l’autre est flot, souffre beaucoup. Pour rendre le fond de la cale solide, on le fait de grandes caisses maçonnées qu’il faut avoir attention de poser de façon que le niveau de la pente soit bien conservé ; la caisse du bout qui est la plus avant sous l’eau, est fort difficile à enfoncer. On met sur ce fond un grillage de bois qu’on appelle échelle, qui sert à faire glisser le vaisseau & y établir des coulisses pour le tirer droit & l’empêcher de varier. On se sert de plusieurs cabestans pour tirer le vaisseau sur la cale, & d’un bâtis de charpente qu’on appelle berceau. Il faut pour le service d’une cale, une échelle, trois berceaux, un pour les grands vaisseaux, un pour les moyens, & un pour les petits, & plusieurs cabestans.

Cale, (Marine.) ce mot se dit enfin d’un plomb dont on se sert pour faire enfoncer l’hameçon au fond de l’eau dans la pêche de la morue.

Cale, (Marine.) terme de commandement qui se fait pour laisser tomber tout d’un coup ce que l’on tient suspendu. Cale-tout. (Z)