L’Encyclopédie/1re édition/CAILLOU

CAILLOU, silex, (Hist. nat.) matiere vitrifiable produite par l’argille & analogue au sable vitrifiable, grès, granit, &c. Il y a des carrieres de cailloux où cette matiere est disposée en grandes masses & par couches ; il y a aussi dans différens pays des cailloux en petite masse & répandus en très-grande quantité, soit à la surface, soit à l’intérieur de la terre. Ainsi la matiere du caillou est une de celles qui tombent le plus souvent sous les yeux, & qu’il importe par conséquent de connoître le mieux. Or pour la considérer sous deux aspects ; l’un relatif à l’Histoire naturelle, l’autre à la Chimie : nous allons commencer par le premier. Voici comment M. de Buffon explique la formation du caillou, Hist. nat. tome I. p. 259.

« Je conçois, dit-il, que la terre dans le premier état étoit un globe, ou plutôt une sphéroïde de matiere vitrifiée de verre, si l’on veut très-compacte, couverte d’une croûte légere & friable, formée par les scories de la matiere en fusion d’une véritable pierre-ponce : le mouvement & l’agitation des eaux & de l’air briserent bientôt & réduisirent en poussiere cette croûte de verre spongieuse, cette pierre-ponce qui étoit à la surface ; de-là les sables qui en s’unissant, produisirent ensuite les grès & le roc vif, ou ce qui est la même chose, les cailloux en grande masse, qui doivent aussi-bien que les cailloux en petite masse, leur dureté, leur couleur, ou leur transparence, & la variété de leurs accidens, aux différens degrés de pureté & à la finesse des grains de sable qui sont entrés dans leur composition.

» Ces mêmes sables dont les parties constituantes, s’unissent par le moyen du feu, s’assimilent & deviennent un corps dur très-dense, & d’autant plus transparent, que le sable est plus homogene ; exposés au contraire long-tems à l’air, ils se décomposent par la desunion & l’exfoliation des petites lames dont ils sont formés, ils, commencent à devenir terre ; & c’est ainsi qu’ils ont pû former les glaises & les argilles. Cette poussiere, tantôt d’un jaune brillant, tantôt semblable à des paillettes d’argent, dont on se sert pour sécher l’écriture, n’est autre chose qu’un sable très-pur, en quelque façon pourri, presque réduit en ses principes, & qui tend à une décomposition parfaite ; avec le tems ces paillettes se seroient attenuées & divisées au point, qu’elles n’auroient plus eu assez d’épaisseur & de surface pour refléchir la lumiere, & elles auroient acquis toutes les propriétés des glaises. Qu’on regarde au grand jour, un morceau d’argille, on y appercevra une grande quantité de ces paillettes talqueuses, qui n’ont pas encore entierement perdu leur forme. Le sable peut donc avec le tems produire l’argille, & celle-ci en se divisant acquiert de même les propriétés d’un véritable limon, matiere vitrifiable comme l’argille, & qui est du même genre.

» Cette théorie est conforme à ce qui se passe tous les jours sous nos yeux ; qu’on lave du sable sortant de sa miniere, l’eau se chargera d’une assez grande quantité de terre noire, ductile, grasse, de véritable argille. Dans les villes où les rues sont pavées de grès, les boues sont toûjours noires & très-grasses ; & desséchées, elles forment une terre de la même nature que l’argille. Qu’on détrempe & qu’on lave de même l’argille prise dans un terrein où il n’y a ni grès ni cailloux, il se précipitera toûjours au fond de l’eau une assez grande quantité de sable vitrifiable.

» Mais ce qui prouve parfaitement que le sable, & même le caillou & le verre existent dans l’argille, & n’y sont que déguisés, c’est que le feu en réunissant les parties de celle-ci, que l’action de l’air & des autres élémens avoit peut-être divisées, lui rend sa premiere forme. Qu’on mette de l’argille dans un fourneau de réverbere échauffé au degré de la calcination, elle se couvrira au-dehors d’un émail très-dur ; si à l’extérieur elle n’est point encore vitrifiée, elle aura cependant acquis une très-grande dureté ; elle résistera à la lime & au burin ; elle étincellera sous le marteau ; elle aura enfin toutes les propriétés du caillou : un degré de chaleur de plus la fera couler, & la convertira en un véritable verre.

» L’argille & le sable sont donc des matieres parfaitement analogues & du même genre. Si l’argille en se condensant peut devenir du caillou, du verre, pourquoi le sable en se divisant ne pourroit-il pas devenir de l’argille ? le verre paroît être la véritable terre élémentaire, & tous les mixtes un verre déguisé ; les métaux, les minéraux, les sels, &c. ne sont qu’une terre vitrescible ; la pierre ordinaire, les autres matieres qui lui sont analogues, & les coquilles des testacées, des crustacées, &c. sont les seules substances qu’aucun agent connu n’a pû jusqu’à présent vitrifier, & les seules qui semblent faire une classe à part. Le feu en réunissant les parties divisées des premieres, en fait une matiere homogène, dure, transparente à un certain degré, sans aucune diminution de pesanteur, & à laquelle il n’est plus capable de causer aucune altération ; celles-ci au contraire, dans lesquelles il entre une plus grande quantité de principes actifs & volatils, & qui se calcinent, perdent au feu plus du tiers de leur poids, & reprennent simplement la forme de terre, sans autre altération de leurs principes ; ces matieres exceptées, qui ne sont pas en grand nombre, & dont les combinaisons ne produisent pas de grandes variétés dans la nature, toutes les autres substances, & particulierement l’argille, peuvent être converties en verre, & ne sont essentiellement par conséquent qu’un verre décomposé. Si le feu fait changer promptement de forme à ces substances, en les vitrifiant, le verre lui-même, soit qu’il ait sa nature de verre, ou bien celle de sable & de caillou, se change naturellement en argille, mais par un progrès lent & insensible.

» Dans les terreins où le caillou est la pierre dominante, les campagnes en sont ordinairement jonchées ; & si le lieu est inculte, & que ces cailloux ayent été long-tems exposés à l’air sans avoir été remués, leur superficie est toûjours très-blanche, tandis que le côté opposé qui touche immédiatement la terre, est très-brun & conserve sa couleur naturelle. Si on casse plusieurs de ces cailloux, on reconnoîtra que la blancheur n’est pas seulement au dehors, mais qu’elle pénetre dans l’intérieur plus ou moins profondément, & y forme une espece de bande, qui n’a dans de certains cailloux que très-peu d’épaisseur ; mais qui dans d’autres occupe presque toute celle du caillou. Cette partie blanche est un peu grenue, entierement opaque, aussi tendre que la pierre ; & elle s’attache à la langue comme les bols, tandis que le reste du caillou est lisse & poli, qu’il n’a ni fil ni grain, & qu’il a conservé sa couleur naturelle, sa transparence & sa même dureté. Si on met dans un fourneau ce même caillou à moitié décomposé, sa partie blanche deviendra d’un rouge couleur de tuile, & sa partie brune d’un très-beau blanc. Qu’on ne dise point avec un de nos plus célebres naturalistes, que ces pierres sont des cailloux imparfaits de différens âges, qui n’ont point encore acquis leur perfection ; car pourquoi seroient-ils tous imparfaits ? pourquoi le seroient-ils tous d’un même côté, & du côté qui est exposé à l’air ? il me semble qu’il est aisé au contraire de se convaincre que ce sont des cailloux altérés, décomposés, qui tendent à reprendre la forme & les propriétés de l’argille & du bol, dont ils ont été formés.

» Si c’est conjecturer que de raisonner ainsi, qu’on expose en plein air le caillou le plus caillou (comme parle ce fameux naturaliste) le plus dur & le plus noir, en moins d’une année il changera de couleur à la surface ; & si on a la patience de suivre cette expérience, on lui verra perdre insensiblement & par degrés sa dureté, sa transparence & ses autres caracteres spécifiques, & approcher de plus en plus chaque jour de la nature de l’argille.

» Ce qui arrive au caillou arrive au sable ; chaque grain de sable peut être considéré comme un petit caillou, & chaque caillou comme un amas de grains de sable extrémement fins & exactement engrénés. L’exemple du premier degré de décomposition du sable se trouve dans cette poudre brillante, mais opaque, mica, dont nous venons de parler, & dont l’argille & l’ardoise sont toûjours parsemées ; les cailloux entierement transparens, les quartz produisent, en se décomposant, des talcs gras & doux au toucher, aussi paitrissables & ductiles que la glaise, & vitrifiables comme elle, tels que ceux de Venise & de Moscovie. Il me paroît que le talc est un terme moyen entre le verre ou le caillou transparent & l’argille ; au lieu que le caillou grossier & impur, en se décomposant, passe à l’argille sans intermede.

» Nous avons dit qu’on pouvoit diviser toutes les matieres en deux grandes classes, & par deux caracteres généraux ; les unes sont vitrifiables, les autres sont calcinables ; l’argille & le caillou, la marne & la pierre, peuvent être regardées comme les deux extrèmes de chacune de ces classes, dont les intervalles sont remplis par la variété presque infinie des mixtes, qui ont toûjours pour base l’une ou l’autre de ces matieres.

» Les matieres de la premiere classe ne peuvent jamais acquérir la nature & les propriétés de celle de l’autre, la pierre quelqu’ancienne qu’on la suppose, sera toûjours aussi éloignée de la nature du caillou, que l’argille l’est de la marne : aucun agent connu ne sera jamais capable de les faire sortir du cercle de combinaisons propres à leur nature ; les pays où il n’y a que des marbres & de la pierre, aussi certainement que ceux où il n’y a que du grès, du caillou, & du roc vif, n’auront jamais de la pierre ou du marbre.

» Si l’on veut observer l’ordre & la distribution des matieres dans une colline composée de matieres vitrifiables, comme nous l’avons fait tout à l’heure dans une colline composée de matieres calcinables, on trouvera ordinairement sous la premiere couche de terre végétale un lit de glaise ou d’argille, matiere vitrifiable & analogue au caillou, & qui n’est, comme je l’ai dit, que du sable vitrifiable décomposé ; ou bien on trouve sous la terre végétale, une couche de sable vitrifiable ; ce lit d’argille ou de sable répond au lit de gravier qu’on trouve dans les collines composées de matieres calcinables ; après cette couche d’argille ou de sable, on trouve quelques lits de grès, qui, le plus souvent n’ont pas plus d’un demi pié d’épaisseur, & qui sont divisés en petits morceaux par une infinité de fentes perpendiculaires, comme le moellon du troisieme lit de la colline, composée de matieres calcinables ; sous ce lit de grès on en trouve plusieurs autres de la même matiere, & aussi des couches de sable vitrifiable, & le grès devient plus dur, & se trouve en plus gros blocs à mesure que l’on descend. Au-dessous de ces lits de grès, on trouve une matiere très-dure, que j’ai appellée du roc vif, ou du caillou en grande masse : c’est une matiere très-dure, très-dense, & qui résiste à la lime, au burin, à tous les esprits acides, beaucoup plus que n’y résiste le sable vitrifiable, & même le verre en poudre, sur lesquels l’eau-forte paroît avoir quelque prise ; cette matiere frappée avec un autre corps dur jette des étincelles, & elle exhale une odeur de soufre très-pénétrante. J’ai crû devoir appeller cette matiere du caillou en grande masse ; il est ordinairement stratifié sur d’autres lits d’argille, d’ardoise, de charbon de terre, de sable vitrifiable d’une très-grande épaisseur, & ces lits de cailloux en grande masse, répondent encore aux couches de matiere dures, & aux marbres qui servent de base aux collines composées de matieres calcinables.

» L’eau, en coulant par les fentes perpendiculaires & en pénétrant les couches de ces sables vitrifiables, de ces grès, de ces argilles, de ces ardoises, se charge des parties les plus fines & les plus homogenes de ces matieres, & elle en forme plusieurs concrétions différentes, telles que les talcs, les amiantes, & plusieurs autres matieres, qui ne sont que des productions de ces stillations de matieres vitrifiables.

» Le caillou, malgré son extrème dureté & sa grande densité, a aussi, comme le marbre ordinaire & comme la pierre dure, ses exudations ; d’où résultent des stalactites de différentes especes, dont les variétés dans la transparence des couleurs & la configuration sont relatives à la différente nature du caillou qui les produit, & participent aussi des différentes matieres métalliques ou hétérogenes qu’il contient : le crystal de roche, toutes les pierres précieuses, blanches ou colorées, & même le diamant, peuvent être regardées comme des stalactites de cette espece.

» Les cailloux en petite masse, dont les couches sont ordinairement concentriques, sont aussi des stalactites & des pierres parasites du caillou en grande masse, & la plûpart des pierres fines opaques ne sont que des especes de caillou. Les matieres du genre vitrifiable produisent, comme l’on voit, une aussi grande variété de concrétions, que celle du genre calcinable ; & ces concrétions produites par les cailloux, sont presque toutes des pierres dures & précieuses ; au lieu que celles de la pierre calcinable ne sont guere que des matieres tendres & qui n’ont aucune valeur ». (I)


Nous allons ajoûter ici plusieurs observations & conjectures sur le caillou, qui se trouvent répandues dans les opuscules minéralogiques de M. Henckel, & dans le commentaire de M. Zimmermann sur ces opuscules, ouvrages Allemands, qui n’ont jamais paru en François ; laissant au lecteur à décider de ce qu’elles peuvent avoir de favorable au système de M. de Buffon.

M. Henckel pense que le caillou, dans sa premiere origine, a été formé par de la marne, fondé sur ce que la marne sans addition a la propriété de se durcir dans le feu, au point de donner des étincelles lorsqu’on la frappe avec l’acier, ce qui fait une des principales propriétés du caillou : mais il ne peut pas croire que dans sa formation le feu doive être regardé comme agent extérieur. Il est vrai, dit-il, que le caillou est vitreux, ainsi qu’il est visible quand il a la pureté & la transparence du crystal : mais il ne se trouve point dans les entrailles de la terre un feu assez violent pour vitrifier, à l’exception des volcans qui jettent des flammes, & dont le feu destructif n’est qu’accidentel & incapable de produire aucun être, & que d’ailleurs la nature est lente dans toutes ses opérations : d’où l’on voit que M. de Buffon & M. Henckel ont été portés l’un & l’autre à croire, par l’inspection du caillou, que c’étoit une matiere donnée par le feu ; mais que M. Henckel ne s’est écarté de cette idée, que parce qu’il ne rencontroit point dans les entrailles de la terre un principe de vitrification, ce que M. de Buffon lui accordera fort volontiers, puisqu’il remonte beaucoup plus loin pour trouver ce principe, & le déduit du système général.

M. Zimmermann dit que si l’on vient à casser un caillou, on le trouvera feuilleté & tranchant à l’endroit où il aura été cassé ; que les cailloux sont toûjours plus durs, plus purs, & plus transparens vers le milieu ou le centre, ce qu’il appelle le grain intérieur, qu’à l’enveloppe ; de maniere que ce grain central se distingue toûjours des autres parties environnantes, qui sont plus molles & moins compactes ; qu’il a rencontré dans plusieurs cailloux deux, trois, & même davantage de ces grains ou centres, à côté les uns des autres, & séparés seulement par la partie molle & rare du caillou, de sorte qu’un grand caillou à plusieurs grains lui parut être un assemblage de cailloux petits, fondus ensemble, & réunis de quelque façon que ce fût ; que quand on polit les cailloux, ils deviennent transparens, mais qu’ils le deviennent encore plus, quand on n’en polit que les grains ; que s’étant informé des lapidaires, s’il étoit vrai, ainsi qu’on le disoit & qu’Henckel conseilloit de le rechercher, que le caillou contient du crystal, ils avoient varié dans leur rapport, les uns l’assûrant, les autres le niant, mais tous convenant de ce qu’il vient de dire sur le grain intérieur, & s’accordant à le regarder comme plus crystallin que le reste du caillou ; qu’il s’ensuit de-là, que puisque le caillou est transparent & pur, il faut qu’il ait été dans son principe sous une forme liquide ; car la transparence suppose un ordre, un arrangement, & une sorte de symmétrie dans les parties qu’on ne peut trouver que dans un fluide ; que le caillou étant gersé & plein de crevasses, il est clair que la matiere en est aigre, qualité qui vient apparemment d’une condensation subite, comme on le remarque aux larmes de verre qu’on éteint dans l’eau, & à tous les verres qui se refroidissent subitement, ce qui rend en même-tems le grain intérieur plus clair & plus compact que l’enveloppe, parce qu’il n’a pas été saisi ou condensé si promptement ; que si les cailloux sont si petits, c’est une preuve nouvelle de la promptitude du refroidissement & de la condensation qui a occasionné l’effraction ; en un mot, que nous pouvons tenir pour certain, 1o. que le caillou a été originairement liquide : 2o. qu’il a été saisi & condensé subitement ; d’où il suit, selon lui, que s’il n’eût pas été interrompu dans sa formation, il seroit devenu un corps plus pur & plus parfait ; que la cause de ce saisissement & de cette condensation subite a été tout-à-fait accidentelle, hors de l’ordre commun, & extraordinaire ; & que c’est-là ce qui nous rend obscure la formation des cailloux. Ainsi parlent deux grands observateurs de la nature ; & quelle preuve M. de Buffon n’en auroit-il pas tirée en faveur de son système du monde, si ces autorités lui avoient été connues ?

Voilà ce que les Naturalistes pensent du caillou ; voici maintenant le sentiment des Chimistes sur la même substance. Le caillou est une pierre qui est dans la classe des terres ou pierres vitrifiables, non pas qu’il se vitrifie tout seul & sans addition, mais il faut pour cela qu’il soit mêlé avec suffisante quantité de sel alkali. Voyez l’article Crystal factice. Un des caracteres distinctifs du caillou, est de faire feu lorsqu’il est frappé avec l’acier ; M. Cramer dit que si on regarde avec le microscope les étincelles que l’acier en fait partir, on les trouvera tout-à-fait semblables à des scories de fer mêlées d’un peu de ce métal & de caillou vitrifié. On trouve par l’examen du feu de la différence entre les cailloux ; il y en a qui n’entrent que très-difficilement en fusion au feu de reverbere, tandis que d’autres se fondent assez facilement : mais ce n’est jamais que par l’addition de plus ou de moins de sel alkali. Cependant M. Henckel parle, dans ses opuscules minéralogiques, d’une espece de caillou qui lui fut envoyé, qui entroit en fusion sans aucune addition, & formoit en fondant une masse noire. Il assûre la même chose d’une sorte de pierre à fusil qui se trouve, quoique rarement, dans des couches de terre argilleuse près de Waldenburg. Le sable ne doit être regardé que comme un amas de petits cailloux, aussi en a-t-il toutes les propriétés. Voyez l’article Acier.

Les cailloux ont bien des formes & couleurs différentes : les blancs sont regardés comme les meilleurs dans l’usage de la verrerie. Les taches ou veines rouges qu’on y remarque, ne sont autre chose que du fer qui s’y est attaché extérieurement ; mais lorsqu’on veut les employer dans l’art de la verrerie, il faut avoir soin d’en séparer la partie métallique, de peur qu’elle ne donne une couleur au verre.

M. Henckel dit avoir trouvé des cailloux de riviere qui devenoient plus pesans au feu ; sur quoi son commentateur remarque que si le fait étoit bien prouvé, ce seroit un triomphe pour ceux qui, comme Boyle, pensent que les particules ignées ont du poids, & doivent par conséquent augmenter celui des corps où elles entrent.

Becher se vante d’avoir reduit les cailloux en une substance grasse, huileuse, & mucilagineuse, semblable à de la gélée, & qui pouvoit se pêtrir comme de la cire, en les faisant rougir au feu, & en en faisant l’extinction dans l’eau. Le même auteur prétend tirer de cette liqueur un sel verd & une huile rougeâtre, qui a, selon lui, la propriété de précipiter le mercure, & de le fixer en partie beaucoup mieux que ne peut faire l’huile de vitriol. Mais ces grandes promesses ont bien l’air d’être du genre merveilleux de celles que tous les Alchimistes affectent de faire sans jamais les tenir.

Si on mêle deux ou trois parties de sel de tartre avec une partie de caillou bien pulverisé, qu’on mette ce mêlange dans une cornue tubulée toute rouge, il se fait une effervescence très-considérable, & il passe à la distillation un esprit acide, d’une odeur sulphureuse ; c’est ce qu’on appelle liquor silicum, ou liqueur de caillou ; les Alchimistes lui ont attribué des vertus tout extraordinaires, & l’ont même regardée comme le vrai alkahest ou dissolvant universel. Glauber va plus loin, & dit qu’en y mettant en digestion des métaux dissous, il se formera des végétations métalliques.

M. Lemery donne une autre maniere de faire le liquor silicum, c’est de mêler 4 onces de cailloux calcinés & réduits en une poudre impalpable, avec 24 onces de cendre gravelée, de vitrifier ce mêlange dans un creuset, & lorsque la vitrification est faite, de mettre ce verre à la fraîcheur de la cave où il se résout en eau. Si on mêle à cette eau une dose égale de quelque acide corrosif, il se formera une espece de pierre. (—)