L’Encyclopédie/1re édition/BUCOLIQUE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 458).
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BUCOLIQUE, s. f. (Belles lett.) ce mot veut dire pastoral, & signifie des poësies qui regardent les bergers & les troupeaux. Voyez Pastoral.

Ce mot vient de βοῦς, bos, & κόλον, cibus ; de-là βουκολέω, boves pasco ; & βουκόλος, qui paît les bœufs, bouvier, bubulus.

La poësie bucolique est la plus ancienne de toutes les poësies, & l’on croit qu’elle a pris naissance en Sicile, parmi les divertissemens des bergers. Elle fut inspirée par l’amour & par l’oisiveté. On ajoûta ensuite des regles à ces divertissemens champêtres, & l’on en fit un art. Le soin des troupeaux, les beautés de la nature, & les plaisirs de la vie rustique en faisoient les plus nobles sujets. Moschus, Bion, Théocrite & Virgile sont les plus agréables poëtes bucoliques de l’antiquité. Voyez Eclogue & Idylle.

Selon M. de Fontenelle, Théocrite a quelquefois le style un peu trop bucolique. Il est des auteurs qui attribuent l’invention de la poësie bucolique à un berger nommé Daphnis ; d’autres à Bucolius, fils aîné de Laomédon.

Le grammairien Donat, dans la vie de Virgile, rapporte encore diverses autres opinions sur l’origine des bucoliques, que les uns attribuent aux Lacédemoniens, les autres à Oreste fugitif en Sicile, ceux-ci à Apollon, lorsqu’il gardoit les troupeaux d’Admete ; ceux-là à Mercure : & comme dans cette diversité de sentimens, il est difficile de décider quel est le véritable auteur des bucoliques ; ce grammairien conclut qu’elles ont pris naissance dans ces tems heureux, où la vie pastorale étoit encore en honneur.

Les bucoliques, dit Vossius, ont quelque conformité avec la comédie ; elles sont, comme celle-ci, une image, une imitation de la vie commune & ordinaire ; avec cette différence toutefois, que la comédie représente les mœurs des habitans de la ville, & les bucoliques les occupations des gens de la campagne : tantôt, ajoûte-t-il, ce dernier poëme n’est qu’un monologue, & tantôt il a la forme de dialogue ; & quelquefois il est en action, quelquefois en récit, & enfin mêlé de récits & d’actions, ce qui en constitue diverses especes. Le vers hexametre, pour la poesie Greque & Latine, est le plus propre pour les bucoliques, & toutes celles de Virgile ont cette forme. On trouve cependant quelques vers pentametres dans Théocrite, mais seulement faisant partie des chansons qu’il met dans la bouche de ses bergers. Dans la poësie Françoise, toute mesure de vers est admise pour les pastorales ; les vers libres & irréguliers paroissent même convenir principalement à l’aisance nécessaire à ce genre, beaucoup plus négligé aujourd’hui qu’il ne l’étoit des anciens, par les raisons que nous détaillerons au mot Eclogue.

On représentoit quelquefois des bucoliques, c’est-à-dire, des pastorales sur les théatres ; les décorations étoient alors simples, composées de branches d’arbres & de feuillages ; & l’instrument dont s’accompagnoient les acteurs, étoit la flûte de roseau, nommée par les anciens σῦριγξ, dont l’extérieur répondoit à la simplicité du poëme.

Au reste, toutes les eclogues ou les idylles ne doivent pas être mises au rang des bucoliques : les trois eclogues de Virgile, par exemple, intitulées Pollion, Silene, & Gallus, sont d’un style beaucoup plus noble que les sept autres, & roulent sur des matieres fort différentes de la vie champêtre. C’est le sentiment de Servius, dans la vie de Virgile. Vossius, Instit. poët. lib. III. cap. viij. (G)