L’Encyclopédie/1re édition/BOUCLIER

◄  BOUCLETTE
BOUDIN  ►

BOUCLIER, (Art. milit.) espece d’armure défensive, dont les anciens se servoient pour se couvrir des coups de l’ennemi.

Le bouclier se passoit dans le bras gauche. Sa figure a fort varié dans toutes les nations, aussi-bien qu’en France. Il y en avoit de ronds ou ovales, qu’on appelloit des rondelles. Il y en avoit d’autres presque quarrés, mais qui vers le bas s’arrondissoient ou s’allongeoient en pointe. Ceux des piétons étoient beaucoup plus longs que ceux de la cavalerie, & quelques-uns couvroient presque tout le corps. Ces derniers boucliers s’appelloient aussi targes, targes, nom qui se donnoit encore à d’autres boucliers, dont on ne se servoit pas pour combattre, mais pour se couvrir ; par exemple, sur le bord d’un fossé d’une ville, contre les fleches des assiégés. Daniel, Histoire de la Milic. Franç. (Q)

Selon plusieurs savans, le mot bouclier est dérivé de buccularium ou buccula, parce qu’on représentoit sur les boucliers des têtes ou gueules de gorgone, de lion, ou d’autres animaux. Le bouclier d’Achille & celui d’Enée sont décrits dans l’Iliade & dans l’Éneide. Ovide dit que celui d’Ajax étoit couvert de sept peaux.

Cléomenes établit à Sparte l’usage des boucliers à anses, fortement attachées sous le bouclier, & par lesquelles on passoit le bras. Ils étoient & plus commodes & plus sûrs que ceux qu’on portoit auparavant, qui ne tenoient qu’à des courroies attachées avec des boucles.

Aux boucliers des anciens ont succédé chez les modernes les écus, rondaches ou rondelles, boucliers ronds & petits, que les Espagnols portent encore avec l’épée quand ils marchent de nuit.

Boucliers votifs, espece de disques de métal, qu’on consacroit aux dieux, & que l’on suspendoit dans leurs temples, soit en mémoire d’une victoire ou d’un héros, soit en action de graces d’une victoire remportée sur les ennemis, dont on offroit même les boucliers pris sur eux comme un trophée. C’est ainsi que les Athéniens suspendirent les boucliers pris sur les Medes & les Thébains, avec cette inscription : Les Athéniens ont pris ces armes sur les Medes & sur les Thébains. Les boucliers votifs différoient des boucliers ordinaires, en ce que les premiers étoient ordinairement d’or ou d’argent, & les autres d’osier & de bois revêtu de cuir. On les suspendoit aux autels, aux voûtes, aux colonnes, aux portes des temples. Les Romains emprunterent cet usage des Grecs, & de-là les ancilia ou boucliers sacrés de Numa. Lorsque Lucius Martius eut défait les Carthaginois, on suspendit dans le capitole un bouclier d’argent pesant cent trente-huit livres, qui se trouva dans le butin. Celui que les Espagnols avoient offert à Scipion, en reconnoissance de sa modération & de sa générosité, & qu’on voit dans le cabinet du Roi, est d’argent & pese quarante-deux marcs. Sous les empereurs, cette coûtume dégénera en flatterie, puisqu’on consacra des boucliers aux empereurs mêmes, honneur qui, avant eux, n’avoit été accordé qu’aux dieux. On nommoit en général ces boucliers, clypei, disci, cicli, aspides ; nom générique, qui convenoit également aux boucliers qu’on portoit à la guerre : mais on les appelloit en particulier pinaces, tableaux, parce qu’on y représentoit les grands hommes & leurs belles actions : stelopinakia, tableaux attachés à des colonnes, parce qu’on les y suspendoit souvent : protoniai, bustes, parce que celui du héros en étoit pour l’ordinaire le principal ornement : {{lang|la|sthetaria, dérivé du Grec σθῆτος, pectus, parce que les héros n’y étoient représentés que jusqu’à la poitrine. Quoiqu’il fût permis aux particuliers d’ériger ces monumens dans les chapelles particulieres, ils ne pouvoient cependant en placer un seul dans les temples sans l’autorité du sénat. Mémoires de l’Acad. tom. I. (G)