L’Encyclopédie/1re édition/BERENGARIENS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 207).

BERENGARIENS, s. m. pl. (Hist. eccles.) hérétiques ainsi nommés de leur chef Berenger, archidiacre d’Angers, thrésorier & écolâtre de S. Martin de Tours, dont il étoit natif, & qui vivoit dans le xie siecle. Cet hérésiarque fut le premier qui osa nier la présence réelle de Jesus-Christ dans l’Eucharistie : condamné successivement par plusieurs papes & plusieurs conciles, il rétracta ses erreurs, & signa trois différentes fois des professions de foi catholiques qu’il abjura autant de fois : mais enfin on croit qu’il mourut sincerement converti & desabusé de ses erreurs. A celle dont nous venons de parler, & qui étoit la principale, il ajoûta celles de combattre les mariages légitimes, soûtenant que l’on pouvoit user de toutes sortes de femmes ; il attaquoit aussi le baptême des enfans, qu’il regardoit comme nul.

Lanfranc & Guimond ses contemporains, écrivirent contre lui avec beaucoup d’avantage : ce dernier expose ainsi les sentimens & les variations des Berengariens sur le sacrement de l’Eucharistie. « Tous, dit-il, s’accordent à dire que le pain & le vin ne sont pas changés essentiellement : mais ils different en ce que les uns disent qu’il n’y a rien absolument du corps & du sang de Notre-Seigneur dans le sacrement, & que ce n’est qu’une ombre & une figure. D’autres cédant aux raisons de l’église, sans quitter leur erreur, disent que le corps & le sang de Jesus-Christ sont en effet contenus dans le sacrement, mais cachés par une espece d’impanation afin que nous les puissions prendre ; & ils disent que c’est l’opinion la plus subtile de Berenger même. D’autres croyent que le pain & le vin sont changés en partie ; quelques-uns soûtiennent que ces élémens sont changés entierement, mais que quand ceux qui se présentent pour les recevoir, en sont indignes, alors la chair & le sang de Jesus-Christ reprennent la nature du pain & du vin ». Guimond. contr. Bereng. bibliot. P P. pag. 327.

On voit clairement par cet exposé que les Berengariens ont été les précurseurs des Luthériens & des Calvinistes ; & par la conduite de l’Eglise à l’égard des premiers, il est aisé de décider quelle étoit alors sa foi ; & qui est coupable d’innovation à cet égard, ou des Catholiques ou des Protestans.

Au reste, quelques efforts qu’eussent fait les Berengariens pour répandre leur doctrine en France, en Italie, & en Allemagne, les auteurs contemporains remarquent que ces hérétiques étoient en fort petit nombre ; & il seroit difficile de prouver qu’il en restât encore lorsque Luther & Calvin parurent. On peut consulter le dictionnaire de Moreri à l’article Berenger, sur ce qui concerne la personne & les diverses aventures de cet hérésiarque. (G)