L’Encyclopédie/1re édition/BEN

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 200-201).

* BEN, subst. m. (Hist. nat. bot.) petite noix de la grosseur d’une aveline, de figure tantôt oblongue, tantôt arrondie, triangulaire, couverte d’une coque blanchâtre, médiocrement épaisse, fragile, contenant une amande assez grosse, couverte d’une pellicule fongueuse, blanche, de la consistance d’une aveline. On estime celle qui est récente, pleine, blanche, & se sépare aisément de sa coque : on l’apporte d’Egypte.

C’est le fruit d’un arbre appellé glans unguentaria, qui a deux sortes de feuilles, l’une simple, & l’autre branchue. La branchue, prise depuis l’endroit où elle tient à la tige, est composée d’une côte molle, pliante, cylindrique, grêle, semblable au petit jonc ou à un rameau de genêt, mais une fois plus menue ; de cette côte sortent des queues ou petites côtes d’un palme & plus de longueur, fort écartées les unes des autres, mais toûjours rangées deux à deux, garnies chacune de quatre ou de cinq conjugaisons de feuilles, qui se terminent aussi en une pointe fort menue. Le tout ensemble forme la feuille branchue : mais ces rameaux de feuilles en portent d’autres petites à leurs nœuds, toûjours posées deux à deux, de figure & de grandeur différentes ; car les premieres sont à pointes mousses, comme les feuilles du tournesol ; celles qui sont au milieu sont plus pointues & semblables à celles du myrte ; & celles qui sont à l’extremité sont plus petites & plus étroites, & approchent de celles de la renoüée. Elles tombent toutes en hyver ; d’abord les petites feuilles, puis toute la feuille branchue ; c’est pourquoi Aldinus l’appelle feuille. Si c’étoit une branche, dit cet auteur, elle ne tomberoit pas. La racine de cette plante est épaisse, semblable en quelque façon à celle du navet, noire en-dedans, & peu branchue. Le fruit, selon Bauhin, est une gousse longue d’un palme, composée de deux cosses, cylindrique, grêle, partagée intérieurement en deux loges, renflée depuis son pédicule jusqu’à son milieu, contenant une noisette dans chaque loge. Cette gousse est pointue ou en forme de stylet, recourbée en bec à son extrémité, roussâtre en-dedans, brune ou cendrée en-dehors, cannelée & ridée dans toute sa longueur, coriace, flexible, de la nature des écorces, insipide, un peu astringente & sans suc. Chaque loge contient une noisette de médiocre grosseur, triangulaire, laquelle renferme sous une coque & sous une pellicule blanche & fongueuse une amande triangulaire, grasse, blanchâtre, un peu acre, amere, huileuse, & qui provoque le vomissement.

On trouve par l’analyse, que la noix de ben contient beaucoup d’huile épaisse, une certaine huile essentielle, acre & brûlante, en petite quantité à la vérité, mais unie à un sel ammoniacal : c’est cette huile subtile & acre qui purge & fait vomir.

La noix de ben est contraire à l’estomac, trouble les visceres, purge avec peine & lentement, & a quelque causticité. Les parfumeurs vantent son huile, parce qu’elle se rancit difficilement, & qu’étant sans odeur, elle ne gâte point celle des fleurs.

Voici comment on tire les odeurs des fleurs par le moyen de cette huile : on prend un vaisseau de verre ou de terre, large en-haut, étroit par bas ; on y met de petits tamis de crin par étage ; on arrange sur ces tamis des fleurs par lits, avec du coton cardé bien menu & imbibé d’huile de ben : on laisse le tout dans cet état pendant quatre heures, puis on jette les fleurs. On en remet d’autres avec le même coton, & l’on réitere jusqu’à ce que l’huile soit suffisamment imprégnée de l’odeur des fleurs : on finit par exprimer l’huile du coton.

Il y a une autre espece de noix de ben, appellée mouringou ; elle croit sur un arbre haut d’environ 25 piés, & gros d’environ 5 piés. Voyez sa description a l’article Mouringou.