L’Encyclopédie/1re édition/BATRACHOMYOMACHIE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 146).
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BATRACHOMYOMACHIE, s. m. (Belles-Let.) combat des grenouilles & des rats ; titre d’un poëme burlesque, attribué communément à Homere.

Ce mot est formé de trois autres mots grecs, βάτραχος, grenouille, μῦς, souris ou rat, & μάχη ; combat.

Le sujet de la guerre entre ces animaux est la mort de Psicarpax, jeune rat, fils de Toxaster, qui étant monté sur le dos de Physignate grenouille, pour aller visiter son palais où elle l’avoit invité de venir, fut saisi de frayeur au milieu de l’étang, chancela, lâcha sa conductrice & périt. Les rats soupçonnant Physignate de perfidie, en demandent satisfaction, déclarent la guerre, & livrent bataille aux grenouilles qu’ils auroient exterminées, si Jupiter & les autres dieux en présence desquels se donnoit le combat, n’eussent envoyé au secours des grenouilles des cancres qui arrêterent la fureur des rats.

Suidas fait honneur de ce poëme à Pigrez ou Tigrés d’Halicarnasse, frere de l’illustre Artémise, & le nom de ce Carien se lit à la tête d’un ancien manuscrit de la bibliotheque du Roi. Étienne Nunnésius & d’autres savans modernes, pensent aussi qu’Homere n’en est point l’auteur. Cependant l’antiquité dépose en faveur de ce poëte, Martial le dit expressément dans cette épigramme.

Perlege Meonio cantatas carmine ranas,
Et frontem nugis solvere disce meis.

Stace est du même sentiment ; & ce qui semble confirmer l’opinion des anciens à cet égard, c’est que dans le siecle dernier, on déterra près de Rome, dans des anciens jardins de l’empereur Claude, un bas-relief d’Archelaüs, sculpteur de Pryene, représentant un Homere avec deux rats, pour signifier qu’il étoit auteur du combat des rats.

Quoi qu’il en soit, feu M. Boivin, de l’académie Françoise & de celle des Belles-Lettres, a traduit ce petit poëme en vers François ; & sa traduction est aussi exacte qu’élégante : à cela près que pour la commodité de la rime, il a quelquefois donné aux rats & aux grenouilles, des noms différens de ceux qu’ils ont dans le texte Grec. (G)