L’Encyclopédie/1re édition/BAT, BATTOLOGIE, BUTUBATA

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 131).
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BAT, BATTOLOGIE, BUTUBATA, (Gram.) En expliquant ce que c’est que battologie, nous ferons entendre les deux autres mots.

Battologie, subst. f. c’est un des vices de l’élocution ; c’est une multiplicité de paroles qui ne disent rien ; c’est une abondance stérile de mots vuides de sens, inane multiloquium. Ce mot est Grec, βαττολογία, inanis eorundem repetitio ; & βαττολογέω, verbosus sum. Au ch. vj. de S. Matthieu, v. 7. Jesus-Christ nous défend d’imiter les payens dans nos prieres, & de nous étendre en longs discours & en vaines répétitions des mêmes paroles. Le Grec porte, μὴ βαττολογήσητε, c’est-à-dire, ne tombez pas dans la battologie ; ce que la vulgate traduit par nolite multum loqui.

A l’égard de l’étymologie de ce mot, Suidas croit qu’il vient d’un certain Battus, poëte sans génie, qui répétoit toûjours les mêmes chansons.

D’autres disent que ce mot vient de Battus, roi de Libye, fondateur de la ville de Cyrene, qui avoit ; dit-on, une voix frêle & qui bégayoit : mais quel rapport y a t-il entre la battologie & le bégayement ?

On fait aussi venir ce mot d’un autre Battus, pasteur, dont il est parlé dans le II. livre des Métamorphoses d’Ovide, v. 702. qui répondit à Mercure : sub illis montibus, inquit, erant, & erant sub montibus illis. Cette réponse qui répete à-peu-près deux fois la même chose, donne lieu de croire qu’Ovide adoptoit cette étymologie. Tout cela me paroît puérile. Avant qu’il y eût des princes, des poëtes, & des pasteurs appellés Battus, & qu’ils fussent assez connus pour donner lieu à un mot tiré de quelqu’un de leurs défauts, il y avoit des diseurs de rien ; & cette maniere de parler vuide de sens, étoit connue & avoit un nom ; peut-être étoit-elle déjà appellée battologie. Quoi qu’il en soit, j’aime mieux croire que ce mot a été formé par onomatopée de bath, espece d’interjection en usage quand on veut faire connoître que ce qu’on nous dit n’est pas raisonnable, que c’est un discours déplacé, vuide de sens : par exemple, si l’on nous demande qu’a-t-il dit ? nous répondons bath, rien ; patipata. C’est ainsi que dans Plaute, ( Pseudolus, act. I. sc. 3. ) Calidore dit : quid opus est ? à quoi bon cela ? Pseudolus répond : Potin aliam rem ut cures ? vous plaît-il de ne vous point mêler de cette affaire ? ne vous en mettez point en peine, laissez-moi faire. Calidore replique at… mais….. Pseudolus l’interrompt en disant bat : comme nous dirions ba, ba, ba, discours inutile, vous ne savez ce que vous dites.

Au lieu de notre patipata, où le p peut aisément être venu du b, les Latins disoient butubata, & les Hébreux בית״ בתע bitutote, pour répoudre à une façon de parler futile. Festus dit que Nævius appelle butubata ce qu’on dit des phrases vaines qui n’ont point de sens, qui ne méritent aucune attention : butubata Noevius pro nugatoriis posuit, hoc est nullius dignationis. Scaliger croit que le mot de butubata est composé de quatre monosyllabes, qui font fort en usage parmi les enfans, les nourrices & les imbéciles ; savoir bu, tu, ba, ta : bu, quand les enfans demandent à boire ; ba ou pa, quand ils demandent à manger ; ta ou tatam, quand ils demandent leur pere, où le t se change facilement en p ou en m, maman : mots qui étoient aussi en usage chez les Latins, au témoignage de Varon & de Caton ; & pour le prouver, voici l’autorité de Nonius Marcellus au mot {{lang|la|buas. Buas, potionem positam parvulorum. Var. Cato, vel de liberis educandis. Cum cibum ac potionem buas, ac papas docent & matrem mammam, & patrem tatam. (F)