L’Encyclopédie/1re édition/ASPLE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 762-763).
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Cet article a été intégralement réécrit dans l’erratum. Voir ASPLE (2)


ASPLE, s. m. On donne ce nom dans les manufactures en soie, & chez les ouvriers qui conduisent les moulins à tordre le fil ou la soie, à un tambour, semblable à celui d’un devidoir, sur lequel le fil ou la soie forment des échevaux, en se devidant de dessus les bobines sur ce tambour. Ce tambour a quinze pouces ou environ de circonférence, & il est construit de maniere que les tringles longitudinales qui forment sa circonférence peuvent s’écarter ou s’approcher de l’axe du mouvement, ou de l’arbre de l’asple ; par ce moyen, les échevaux sont plus ou moins grands à discrétion. Ce méchanisme est surtout essentiel dans les moulins à tordre la soie. Il est certain que l’asple dans ces machines, dont il est partie, faisant tous ses tours en tems égaux, moins il aura de diametre, moins la quantité de fil ou de soie devidée dans un tour de l’asple de dessus les bobines sur la circonférence de l’asple, sera grande ; & plus par conséquent elle sera torse : & au contraire, plus le diametre de l’asple sera grand, plus la quantité de soie qui passera dans un tour de l’asple des bobines sur la circonférence de l’asple sera grande, & moins elle sera torse. Mais il y a un inconvénient singulier à tous les asples, & qui rend le tors du fil & de la soie variable ; c’est qu’à mesure que l’échevau se forme sur l’asple, l’épaisseur de cet échevau s’ajoûte au diametre de l’asple ; & à mesure que cette épaisseur augmente, en même proportion il y a dans un tour de l’asple plus de soie devidée de dessus les bobines sur la circonférence de l’asple sur la fin, qu’au commencement de la formation de l’échevau : d’où il s’ensuit que la soie est moins torse à la fin qu’au commencement, & dans tout le tems de la formation de l’échevau. Les Piémontois, & en général tous les mouliniers en soie, ont bien senti cet inconvénient ; & ils n’ont jusqu’à présent rien imaginé de mieux, que de faire des écheveaux extrèmement légers.

En effet, ce qu’ils appellent un matteau de soie pese environ deux onces ; & le matteau contient huit échevaux. Il est constant que moins l’échevau pesera, moins il aura d’épaisseur sur l’asple, & plus le tors approchera de l’égalité : mais le tors ne sera pourtant jamais parfaitement égal ; car l’échevau aura toûjours quelqu’épaisseur.

C’est ce que M. de Vaucanson a bien senti, & ce que j’avois remarqué comme lui. Je ne sai point encore comment ce savant méchanicien a remédié à cet inconvénient : quant à moi, j’avois pensé plus d’un an avant qu’il lût son mémoire à l’Académie, qu’outre la précaution des Piémontois de faire des échevaux très-légers, il falloit encore donner un mouvement de va-&-vient horisontal à la tringle à travers laquelle passent les fils au sortir de dessus les bobines, & qui les conduit sur l’asple ; par ce moyen les fil, se trouvant répandus sur une plus grande lisiere ou zone de l’asple, l’épaisseur des échevaux seroit encore moindre, & le tors plus égal. Quant à l’autre défaut du moulin, qui naît de l’irrégularité du mouvement des fuseaux, j’avois pensé, il y a plus de quinze mois, à y remédier avec des pignons à dents, & une chaîne ; & M. Goussier en avoit dessiné la figure selon mes idées. J’ai montré cette figure depuis à quelques personnes qui ont entendu la lecture du mémoire de M. de Vaucanson, & à d’autres qui ont vû sa machine ; & les unes & les autres m’ont assûré que nous nous étions rencontrés exactement dans le même méchanisme ; avec cette différence que mes fuseaux sont ajustés de maniere qu’on peut les placer & les déplacer sur le champ sans aucun inconvénient, & avec toute la promptitude qu’on peut desirer : mais en revanche, je n’avois pas imaginé, ainsi que l’a fait M. de Vaucanson, de faire avertir par une sonnerie appliquée à chaque bobine celui qui est au moulin, que la bobine est finie, & qu’il en faut mettre une autre.