L’Encyclopédie/1re édition/APOTRE

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APOTRE, s. m. (Théol.) apostolus, du Grec ἀπόστολος, composé d’ἀπὸ, & de στέλλω, j’envoie : ce mot a été employé par Hérodote & d’autres auteurs prophanes, pour exprimer diverses sortes de délégués : mais dans le nouveau Testament il est le nom donné par excellence aux douze disciples de Jesus-Christ, choisis par lui-même pour prêcher son Evangile, & le répandre dans toutes les parties du monde.

Quelques faux Prédicateurs contesterent à S. Paul sa qualité d’apôtre, parce qu’à les entendre, on ne pouvoit se dire envoyé de Jesus-Christ sans l’avoir vû, & sans avoir été témoin de ses actions. Pour répondre à ces sophistes qui avoient séduit les églises de Galatie, il commence par ces mots l’épître aux Galates : Paul apôtre non des hommes ni par les hommes, mais par Jesus-Christ & Dieu le pere ; leur faisant ainsi connoître qu’il avoit sa mission immédiatement de Dieu. Son élection est clairement exprimée dans ces paroles que Dieu dit à Ananie en parlant de Saul converti. Act. ch. ix. vers. 16. vas electionis est mihi iste, ut portet nomen meum coram gentibus & regibus ; ce qui fait qu’il est appellé par excellence l’apôtre des Gentils, à la conversion desquels il étoit spécialement destiné : mais il est à remarquer que malgré ce témoignage & la vocation expresse du S. Esprit, segregate mihi Saulum & Barnabam in opus ad quod assumpsi eos ; il ajoûta encore la mission ordinaire & légitime qui vient de l’Eglise, par la priere & l’imposition des mains des prophetes & des docteurs qui composoient celle d’Antioche. Act. chap. xiij. vers. 2. & 3.

On représente ordinairement les 12 apôtres avec leurs symboles ou leurs attributs spécifiques ; & c’est pour chacun d’eux, à l’exception de S. Jean, & de S. Jacques le majeur, la marque de leur dignité, ou l’instrument de leur martyre. Ainsi S. Pierre a les clefs pour marque de sa primauté ; S. Paul un glaive, S. André une croix en sautoir ; S. Jacques le mineur une perche de foulon ; S. Jean une coupe d’où s’envole un serpent ailé ; S. Barthélemi un coûteau ; S. Philippe un long bâton, dont le bout d’enhaut se termine en croix ; S. Thomas une lance ; S. Matthieu une hache d’armes ; S. Jacques le majeur un bourdon de pélerin & une gourde ; S. Simon une scie, & S. Jude une massue.

On sait par les actes des apôtres, par leurs épîtres, par les monumens de l’histoire ecclésiastique, & enfin par des traditions fondées, en quels lieux les apôtres ont prêché l’Evangile. Quelques auteurs ont douté s’ils n’avoient pas pénétré en Amérique ; mais le témoignage constant de ceux qui ont écrit l’histoire de la découverte du nouveau monde, prouve qu’il n’y avoit dans ces vastes contrées nulle trace du Christianisme. Voyez Actes des Apôtres.

On donne communément le nom d’apôtre à celui qui le premier a porté la foi dans un pays : c’est ainsi que S. Denys, premier évêque de Paris, qu’on a long-tems confondu avec S. Denys l’aréopagite, est appellé l’apôtre de la France ; le moine S. Augustin l’apôtre de l’Angleterre ; S. Boniface l’apôtre de l’Allemagne ; S. François Xavier l’apôtre des Indes : on donne aussi le même nom aux Missionnaires Jésuites, Dominicains, &c. répandus en Amérique & dans les Indes orientales. Voyez Missionnaire.

Il y a eu des tems où l’on appelloit spécialement apôtre, le Pape, à cause de sa sur-éminence en qualité de successeur du Prince des apôtres. Voyez Sidoine Apollin. Liv. VI. epît. 4. Voyez aussi Pape, & Apostolique.

Apôtre, étoit encore un nom pour désigner des ministres ordinaires de l’Eglise, qui voyageoient pour ses intérêts. C’est ainsi que S. Paul dit dans son épître aux Romains, chap. xvj. vers. 7. Saluez Andronicus & Junia, mes parens & compagnons de ma captivité, qui sont distingués parmi les apôtres. C’étoit aussi le titre qu’on donnoit à ceux qui étoient envoyés par quelques églises, pour en apporter les collectes & les aumônes des fideles destinées à subvenir aux besoins des pauvres & du clergé de quelques autres églises. C’est pourquoi S. Paul écrivant aux Philippiens leur dit, qu’Epaphrodite leur apôtre, avoit fourni à ses besoins. ch. xj. vers. 25. Les Chrétiens avoient emprunté cet usage des synagogues qui donnoient le même nom à ceux qu’elles chargeoient d’un pareil soin, & celui d’apostolat à l’office charitable qu’ils exerçoient.

Il y avoit chez les anciens Juifs une autre espece d’apôtres : c’étoient des officiers qui avoient en département une certaine étendue de pays, dans lequel on les envoyoit en qualité d’inspecteurs ou de commissaires, afin d’y veiller à l’observation des lois, & percevoir les deniers levés pour la réparation du temple ou autres édifices publics, & pour payer le tribut aux Romains. Le code Théodosien, Lib. XIV. de Judæis, nomme apôtres ceux qui ad exigendum aurum atque argentum à patriarchâ certo tempore diriguntur. Les Juifs appellent ces préposés schelihhin, envoyés ou messagers. Julien l’apostat qui vouloit favoriser les Juifs pour s’en servir à la destruction du Christianisme, leur remit l’apostolat, ἀπόστολη, c’est-à-dire, comme il s’explique lui-même, le tribut qu’ils avoient coûtume de lui envoyer.

Ces apôtres étoient subordonnés aux officiers des synagogues, qu’on nommoit patriarches, de qui ils recevoient leurs commissions. Quelques auteurs observent que S. Paul avant sa conversion, avoit exercé cet emploi, & qu’il y fait allusion dans l’endroit de l’épître aux Galates, que nous avons cité au commencement de cet article, comme s’il eût dit : Paul qui n’est plus un apôtre de la synagogue, ni son envoyé pour le maintien de la loi de Moyse, mais à présent un apôtre, un envoyé de Jesus-Christ. S. Jerôme admet cette allusion à la fonction d’apôtre de la synagogue, sans insinuer en aucune maniere que S. Paul en eût jamais été chargé.

Apôtre, dans la liturgie Greque, ἀπόστολος, est un terme particulierement usité pour désigner un livre qui contient principalement les épîtres de S. Paul, selon l’ordre où les Grecs les lisent dans leurs églises pendant le cours de l’année ; car comme ils ont un livre nommé εὐαγγέλεον, qui contient les évangiles, ils ont aussi un ἀπόστολος ; & il y a apparence qu’il ne contenoit d’abord que les épîtres de S. Paul ; mais depuis un très long tems il renferme aussi les actes des apôtres, les épîtres canoniques, & l’Apocalypse, c’est pourquoi on l’appelle aussi πραξαπόστολος, à cause des actes qu’il contient, & que les Grecs nomment πράξεις. Le nom d’apostolus a été en usage dans l’Eglise Latine dans le même sens, comme nous l’apprennent S. Grégoire le Grand, Hincmar, & Isidore de Séville : c’est ce qu’on nomme aujourd’hui epistolier. Voyez Epistolier. (G)

Apôtres, terme de Droit : on appelloit ainsi autrefois des lettres dimissoires, par lesquelles les premiers Juges, de la sentence desquels avoit été interjetté appel, renvoyoient la connoissance de l’affaire au Juge supérieur & s’en dessaisissoient ; faute de quoi l’appel ne pouvoit pas être poursuivi.

Ces sortes de lettres étoient aussi en usage dans les Cours ecclésiastiques.

Mais ces apôtres là ont été abrogés tant en Cour laïque, qu’en Cour ecclésiastique.

On appelloit encore apôtres les lettres dimissoires qu’un Evêque donnoit à un laïque ou à un clerc, pour être ordonné dans un autre Diocèse. Voyez Dimissoire. (H)

Apôtres, (Onguent des) Pharmacie. L’onguent des apôtres, en Pharmacie, est une espece d’onguent qui déterge, ou nettoie ; il est composé de 12 drogues ; c’est la raison pourquoi il est nommé l’onguent des apôtres. Voyez Onguent.

Avicenne en fut l’inventeur ; on l’appelle autrement unguentum Veneris : les principaux ingrédiens sont la cire, la térébenthine, la résine, la gomme ammoniaque, le liban, le bdellium, la myrrhe, le galbanum, l’opopanax, les racines d’aristoloche, le verd-de-gris, la litharge, l’huile d’olive. Voyez Détergent, &c.

Cet onguent est un excellent digestif, détersif, & un grand vulnéraire. (N)