L’Encyclopédie/1re édition/APOSTROPHE (complément)
APOSTROPHE, (Rhétor.) nous avons un exemple bien placé de cette figure dans un procès, entre le sieur de Lalande, & le sieur de Villiers & son épouse, plaidé en 1705 à la grand’chambre du parlement de Paris ; où l’avoc t de ces derniers opposoit l’inégalité des biens. M. de Blaru qui plaidoit pour le sieur de Lalande, ayant dit que le sieur de Lalande offroit de donner à sa fille autant de biens que le sieur de Villiers & la dame sa femme en donneroient à leur fils, il apperçut en même-tems la dame de Villiers qui étoit à l’audience : « Entendez-vous, lui dit il, madame, l’offre que je vous fais, je suis prêt à la réaliser ». Il éleva encore sa voix, & répéta la même apostrophe ; & comme la dame de Villiers n’y répondit rien, il ajouta : « Je vois bien que la nature est sourde, & je tire du silence de la dame de Villiers l’avantage de conclure, que s’il y a quelque inégalité de biens à opposer, le sieur de Villiers pere n’est pas en droit de se servir de ce moyen, & que c’est le sieur de Lalande qui pourroit l’employer ». Cette figure de rhétorique qu’employa M. de Blaru, & la conséquence qu’il tira du silence de cette dame lui firent d’autant plus d’honneur, qu’il gagna sa cause. (D. J.)