L’Encyclopédie/1re édition/APOPLEXIE
APOPLEXIE, s. f. (Medec.) maladie dans laquelle il se fait subitement une suspension de tous les mouvemens qui dépendent de la volonté & de l’action des sens intérieurs & extérieurs, sans que celle des poumons ni la circulation du sang soient interrompues, la respiration & le battement des arteres étant comme dans l’état naturel, & souvent même plus forts ; d’où l’on peut conclurre que les nerfs qui prennent leur origine dans le cerveau sont les seuls affectés, sans que les fonctions de ceux qui partent du cervelet soient altérées dans le commencement ; ce qui donne à cette maladie la ressemblance d’un profond sommeil, qui est cependant accompagné d’un bruit provenant de la poitrine auquel les Medecins ont donné le nom de sterteur.
Les signes avant-coureurs de cette maladie sont, selon Duret, des douleurs de tête vagues, un vertige ténébreux, une lenteur dans la parole, & le froid des extrémités.
Ces signes ne se manifestent pas toûjours ; car le malade est ordinairement frappé avec tant d’impétuosité, qu’il n’a pas occasion de prévoir ni le tems de prévenir une attaque d’apoplexie.
On doit regarder comme causes de cette maladie, tout ce qui peut arrêter ou diminuer le cours des esprits animaux dans les organes des sens & des mouvemens dépendans de la volonté, tels qu’un épaississement du sang & de la lymphe assez considérable pour qu’ils ne puissent circuler dans les vaisseaux du cerveau ; un épanchement de quelque matiere qui comprimant les vaisseaux artériels, nerveux & lymphatiques, arrêtent la circulation du fluide qu’ils contiennent ; enfin tout ce qui peut s’opposer au retour du sang des vaisseaux du cerveau vers le cœur.
Ces causes ne concourent pas toutes ensemble à l’apoplexie, ce qui a donné lieu à la distinction que l’on a faite de cette maladie en séreuse & en sanguine, Boerhaave ajoûte la polypeuse.
On tire le pronostic de l’apoplexie de la respiration du malade : lorsqu’elle est laborieuse, la maladie est mortelle ; quand elle est aisée, ou que les remedes la rendent telle, il reste encore quelque espérance de sauver le malade.
La cure de l’apoplexie est différente, selon les causes qui la produisent.
Les anciens Medecins d’accord avec les modernes sur la nécessité de la saignée dans cette maladie, lorsqu’elle est produite par une cause chaude, ordonnent de la réitérer souvent dans ce cas, avec la précaution de mettre quelques intervalles entr’elles, selon Hippocrate & Celse ; lorsqu’elles ne sont pas avantageuses, elles deviennent très-nuisibles aux malades.
Hollier est d’avis de faire tourmenter beaucoup le malade attaqué d’apoplexie séreuse, de le faire secoüer, & de lui faire frotter toutes les parties du corps ; il prétend que l’on empêche par ce moyen le sang de se congeler, surtout si l’on a le soin de frotter le cou du malade à l’endroit où sont les veines jugulaires, & les arteres carotides, ce qu’il regarde comme absolument nécessaire pour passer avec succès à la saignée.
Duret n’admet la méthode de secoüer le malade, que lorsque l’apoplexie est venue peu-à-peu, & que l’on est sûr qu’il n’y a qu’une légere obstruction, prétendant que dans une apoplexie subite, les secousses augmentent l’oppression & accélerent la mort du malade.
Le reste du traitement consiste à procurer par tous les moyens possibles des évacuations : ainsi les émétiques sont les remedes appropriés dans ce cas, tant pour évacuer les matieres amassées dans le ventricule, que pour donner au genre nerveux une secousse capable de rendre aux esprits animaux la facilité de parcourir les filets nerveux qui leur sont destinés.
On joindra à l’usage des émétiques celui des clysteres acres & purgatifs, afin de rappeller le sentiment dans les intestins, par l’irritation qu’ils y occasionnent.
Malgré tous ces secours, l’apoplexie qui ne s’est pas terminée au septieme jour par la mort du malade, dégénere souvent en hémiplégie ; c’est-à-dire, en paralysie de quelqu’un des membres, ou en paraplégie, qui est une paralysie de tous, maladie ordinairement incurable. Voyez Hémiplégie & Paraplégie. (L)