L’Encyclopédie/1re édition/APHONIE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 524).

* APHONIE, s. f. (Medecine.) privation de la voix. Ce mot est composé de privatif & de φωνὴ, voix. L’aphonie est une incapacité de produire des sons, qui est toûjours accompagnée de la privation de la parole, accident assez commun dans les suffocations hystériques ; ou dans un sens moins étendu, c’est une incapacité de produire des sons articulés qui naît de quelque défaut dans la langue, & dans les autres organes de la parole.

Mais le mouvement d’une partie quelconque n’est diminué ou anéanti que par la diminution ou la cessation du fluide nerveux dans les nerfs de cette partie ; d’où il s’ensuit que l’aphonie n’a point d’autre cause que la diminution ou la cessation de ce fluide dans les nerfs qui servent aux mouvemens de la langue.

La dissection des cadavres confirme ce sentiment. Un mélancolique dont la tristesse avoit dégéneré en folie, fut frappé d’une aphonie, qui dura jusqu’à sa mort ; quand on le disséqua, on lui trouva le cerveau sec, les nerfs qui vont à la langue plus petits qu’à l’ordinaire.

La paralysie de la langue qui précede ou qui suit l’apoplexie ou l’hémiplégie, est toûjours accompagné d’aphonie. Les vieillards & les personnes d’un tempérament affoibli sont sujets à cet accident. S’il paroît seul, il annonce l’apoplexie ou l’hémiplégie. S’il succede à ces maladies, & qu’il soit accompagné de manque de mémoire & d’embarras dans les fonctions de l’esprit, il annonce le retour de ces maladies. La langue est entierement affectée dans l’apoplexie ; elle ne l’est qu’à moitié dans l’hémiplégie.

L’aphonie pourra se terminer heureusement, si elle a pour cause la stagnation de quelques humeurs séreuses qui compriment les nerfs de la cinquieme paire qui vont à la langue. Elle peut être occasionnée par les suites de la petite vérole, l’interception des sueurs, les catarrhes mal traités, des boutons ou des pustules séreuses rentrées, des efforts violens, des chûtes, des coups ; le trop de sang porté à la langue & à la gorge, la suppression des regles, les maladies hystériques, des vers logés dans l’estomac ou les intestins, l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses, les indigestions fréquentes, la frayeur, le refroidissement, l’influence des saisons pluvieuses & des lieux marécageux, &c.

Quant aux prognostics de l’aphonie, ils varient selon la cause. L’aphonie qui a pour cause la présence des vers est facile à guérir ; il en est de même de celle qui accompagne les affections hystériques : mais l’aphonie qui naît de la paralysie de la langue, résiste à tous les efforts du Medecin, ou ne cede que pour un tems.

Il suit de ce que nous avons dit plus haut, que pour guérir l’aphonie, il faut s’occuper à lever les obstacles, ou dissiper les sérosités qui compriment les nerfs & le cerveau dans l’espece d’aphonie qui naît d’une paralysie sur la langue. Pour cet effet, il faut recourir aux saignées, aux clysteres émolliens, aux diurétiques, aux sternutatoires, aux balsamiques propres dans l’affection des nerfs ; en un mot, à tous les remedes capables de restituer aux parties affectées leurs fonctions. Pour cet effet, voyez Paralysie, Hemiplegie.