L’Encyclopédie/1re édition/ANTI-SIGMA

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 516).

ANTI-SIGMA, s. m. (Gramm.) ce mot n’est que de pure curiosité ; aussi est-il oublié dans le lexicon de Martinius, dans l’ample trésor de Faber, & dans le Novitius. Priscien en fait mention dans son I. liv. au chap. de litterarum numero & affinitate. L’empereur Claude, dit-il, voulut qu’au lieu du Ψ des Grecs, on se servît de l’anti-sigma figuré ainsi )( : mais cet Empereur ne put introduire cette lettre. Huic S præponitur P, & loco Ψ Græcæ fungitur, pro quâ Claudius Cæsar anti-sigma )( hâc figurâ scribi voluit : sed nulli ausi sunt antiquam scripturam mutare.

Cette figure de l’anti-sigma nous apprend l’étymologie de ce mot. On sait que le sigma des Grecs, qui est notre s, est représenté de trois manieres différentes, σ, ς, & ; Ϲ c’est cette derniere figure adossée avec une autre tournée du côté opposé, qui fait l’antisigma, comme qui diroit deux sigma adossés, opposés l’un à l’autre. Ainsi ce mot est composé de la préposition ἀντι & de σίγμα.

Isidore, au liv. I. de ses Origines, ch. xx. où il parle des notes ou signes dont les auteurs se sont servis, fait mention de l’anti-sigma, qui, selon lui, n’est qu’un simple Ϲ tourné de l’autre côté Ͻ. On se sert, dit-il, de ce signe pour marquer que l’ordre des vers vis-à-vis desquels on le met, doit être changé, & qu’on le trouve ainsi dans les anciens auteurs. Anti-sigma ponitur ad eos versus quorum ordo permutandus est, sicut & in antiquis auctoribus positum invenitur.

L’anti-sigma, poursuit Isidore, se met aussi à la marge avec un point au milieu Ͽ lorsqu’il y a deux vers qui ont chacun le même sens, & qu’on ne sait lequel des deux est à préférer. Les variantes de la Henriade donneroient souvent lieu à de pareils anti-sigma. (F)