L’Encyclopédie/1re édition/ANNALES

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 477-478).
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ANNALES, s. f. (Hist. en génér.) rapport historique des affaires d’un Etat, rédigées par ordre des années. Voyez An. La différence qui se trouve entre les annales & l’histoire, est un point différemment traité par divers Auteurs. Quelques uns disent que l’histoire est proprement un récit des choses que l’auteur a vûes, ou du moins auxquelles il a lui-même assisté ; ils se fondent pour cela sur l’étymologie du mot histoire, qui signifie en Grec, la connoissance des choses présentes ; & dans le vrai, ἱστορεῖν signifie voir : au contraire, disent-ils, les annales rapportent ce que les autres ont fait, & ce que l’écrivain ne vit jamais. Voyez Histoire.

Tacite lui-même paroît avoir été de ce sentiment, puisqu’il intitule annales toute la premiere partie de son histoire des siecles passés ; au lieu que descendant au tems même où il vivoit, il change ce titre, & donne à son livre le nom d’histoire.

Aulugelle est d’un autre avis : il soûtient que l’histoire & les annales different comme le genre & l’espece ; que l’histoire est le genre, & suppose une narration & récit des choses passées ; que les annales sont l’espece, & sont aussi le récit des choses passées, mais avec cette différence, qu’on les réduit à certaines périodes ou années.

Le même auteur rapporte une autre opinion, qu’il dit être de Sempronius Asello : suivant cet écrivain, les annales sont une relation toute nue de ce qui se passe chaque année ; au lieu que l’histoire nous apprend non-seulement les faits, mais encore leurs causes, leurs motifs & leurs sources. L’annaliste n’a rien autre chose à faire que l’exposition des évenemens tels qu’ils sont en eux-mêmes : l’historien au contraire a de plus à raisonner sur ces évenemens & leurs circonstances, à nous en développer les principes, & réflechir avec étendue sur les conséquences. Ciceron paroît avoir été de ce dernier sentiment, lorsqu’il dit des annalistes : unam dicendi laudem putant esse brevitatem, non exornatores rerum, sed tantum narratores. Il ajoûte qu’originairement l’histoire n’étoit qu’une collection d’annales.

L’objet en fut, dit-il, de conserver la mémoire des évenemens : le souverain Pontife écrivoit chaque année ce qui s’étoit passé l’année précédente, & l’exposoit en un tableau, dans sa maison, où chacun le pouvoit lire à son gré. C’étoit ce qu’ils appelloient annales maximi, & l’usage en fut conservé jusqu’à l’an 620 de la fondation de Rome. Voyez Fastes.

Plusieurs autres Ecrivains, à l’imitation du Pontife, s’en tinrent à cette maniere simple de raconter les choses sans commentaires, & furent pour cela même appellés annalistes. Tels furent Caton, Pison, Fabius Pictor, Antipater, &c.

Les annales de Grotius sont un livre bien écrit, & qui contient de fort bonnes choses. Il a moins de particularités, mais plus de profondeur que Strada ; & d’ailleurs il approche beaucoup plus de Tacite. Patin, Lett. chois. 120.

Lucas Holstenius, Chanoine de S. Jean de Latran, disoit du ton le plus positif à Naudé, qu’il étoit en état de montrer 8000 faussetés dans les annales de Baronius, & de les prouver par manuscrits contenus dans la Bibliotheque du Vatican, dont il avoit soin. Patin, Lett. chois. 165. (G)