L’Encyclopédie/1re édition/ANCHIALE
ANCHIALE Anchialum. (Théol.) terme célebre parmi les critiques qui ont écrit sur ce qui concerne les Hébreux ou les Juifs. On le trouve dans cette épigramme de Martial, Lib. XI. Ep. xcv.
Ecce negas, jurasque mihi per templa tonantis.
Non credo ; jura, Verpe, per Anchiaium.
c’est-à-dire, pour nier ou pour affirmer, tu attestes les temples de Jupiter, je ne t’en crois pas ; jure, circoncis, par Anchiale.
On demande qui est cet Anchiale, si c’est le nom du vrai Dieu ou d’un faux Dieu ; & pourquoi l’on demandoit aux Juifs, de la bonne foi desquels on se défioit, de jurer par Anchiale.
Il est certain, dit le P. Calmet, que le jurement le plus ordinaire des Juifs est : Vive le Seigneur : ce serment se trouve en plusieurs endroits des Livres saints, comme dans les Juges viij. 19. dans le Livre de Ruth, c. iij. v. 13. Dans le premier Livre des Rois, c. xiv. v. 45. Le Seigneur lui-même, quand il fait un serment, n’ayant personne plus grand que lui par qui il puisse jurer, il jure par sa propre vie : Vivo ego dicit Dominus. Or en Hebreu ce serment, vive le Seigneur, peut se prononcer ainsi, Hacgaï-Elion ; par la vie du très-Haut, ou Ana-chi-eloa : ah, que le Seigneur vive, ou simplement Ha-chi-el, par la vie de Dieu ; la terminaison Latine um, qui est à fin d’Anchialum, ne faisant rien à la chose, non plus que la lettre n, que le Poete y a mise, parce-que dans la prononciation, en disant hachiel ou al, il semble qu’on prononce han-chi-al. Suivant cette explication, l’anchialum de Martial signifieroit qu’il exige de ce Juif, qu’il lui jure par le nom ou la vie du Seigneur.
Quelques-uns ont cru qu’on faisoit jurer les Juifs par une statue de Sardanapale, érigée dans la ville d’Anchiale en Cilicie : mais cette conjecture n’est fondée sur rien.
D’autres tirent anchialum du Grec ἀγχίαλος, qui signifie qui est près du rivage, comme si le Juif juroit par le Dieu qu’on adore sur les rivages ; parce qu’en effet les Juifs hors de Jérusalem & de leur pays, alloient pour l’ordinaire faire leurs prieres sur le bord des eaux. Enfin d’autres ont cru que c’est parce qu’il juroit par le temple du Seigneur heicaliah, & l’on sait que les Juifs juroient quelquefois par le temple : mais toutes ces explications paroissent peu naturelles.
Un ancien exemplaire manuscrit, qui appartenoit à M. de Thou, porte : Jura, Verpe, per ancharium ; jure, Juif, par l’âne. Or les Payens, & sur-tout les Poëtes, se plaisoient à reprocher aux Juifs qu’ils adoroient un âne, ou la tête d’un âne ; voici ce qu’en dit Petrone.
Judœus licet, & porcinum numen adoret,
Et Cilli summas advocet auriculas.
On peut voir ce qu’en dit Tacite, Histor. Lib. V. & les raisons ou le fondement de cette fausse imputation, sous l’article ononyctites. Ce dernier sens est beaucoup plus simple, & est très-relatif aux idées que s’étoient formé les payens de la religion des Juifs. Dictionn. de la Bibl. (G)
* ANCHIALE. deux villes anciennes ; l’une de Cilicie, bâtie par Sardanapale ; l’autre de Thrace sur la côte de la mer Noire, que les Turcs nomment Kenkis, & les Grecs Anchilao ou Anchio.