L’Encyclopédie/1re édition/ANAETIS, ANETIS, ANAITIS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 397).

* ANÆTIS, ANETIS, ANAITIS, s. f. (Myth.) Déesse adorée jadis par les Lydiens, les Armeniens, & les Perses. Son culte défendoit de rien entreprendre que sous ses auspices ; c’est pourquoi dans les contrées voisines de la Scythie, les assemblées importantes & les délibérations sur les grandes affaires se faisoient dans son temple. Les filles les plus belles & les mieux nées lui étoient consacrées : la partie la plus essentielle de leur service consistoit à rendre heureux les hommes pieux qui venoient offrir des sacrifices à la Déesse. Cette prostitution religieuse, loin de les deshonorer, les rendoit au contraire plus considérées & plus exposées aux propositions de mariage. L’estime qu’on faisoit d’elles se mesuroit sur l’attachement qu’elles avoient marqué pour le culte plaisant d’Anetis. La fête de cette divinité se célébroit tous les ans : dans ce jour on promenoit sa statue, & ses dévots & dévotes redoubloient de ferveur. On tient que cette fête fut instituée en mémoire de la victoire que Cyrus, Roi de Perse, remporta sur les Saces, peuples de Scythie. Cyrus les vainquit par un stratagème si singulier, que je ne puis me dispenser d’en faire mention : ce Prince feignit d’abandonner son camp & de s’enfuir ; aussi-tôt les Saces s’y précipiterent & se jetterent sur le vin & les viandes que Cyrus y avoit laissés à dessein. Cyrus revint sur eux, les trouva ivres & épars, & les défit. On appelloit aussi la fête d’Anetis, la solennité des Saces. Pline dit que sa statue fut la premiere qu’on eût faite d’or, & qu’elle fut brisée dans la guerre d’Antoine contre les Parthes. Les Lydiens adoroient une Diane sous le nom d’Anetis, à ce que disent Hérodote, Strabon, & Pausanias. Strab. lib. II. 12. 15. Paus. in Lacon. Plin. l. LIII. c. iv. Cæl. Rhodig. l. XVIII. c. xxix. Plusieurs soldats s’enrichirent des morceaux de la statue d’Anætis : on raconte qu’un d’eux, qui s’étoit établi à Boulogne en Italie, eut l’honneur de recevoir un jour Auguste dans sa maison & de lui donner à souper. Est-il vrai, lui demanda ce Prince pendant le repas, que celui qui porta les premiers coups à la Déesse, perdit la vûe, l’usage des membres, & mourut sur le champ ? Si cela étoit, lui répondit le soldat, je n’aurois pas l’avantage de voir Auguste chez moi ; ce fut moi qui le premier frappai la statue, & je m’en trouve bien ; si je possede quelque chose, j’en ai l’obligation à la bonne Déesse, & c’est d’une de ses jambes, Seigneur, que vous soupez.