L’Encyclopédie/1re édition/AMEN

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 354).
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AMEN, mot hébreu, usité dans l’Eglise à la fin de toutes les prieres solemnelles dont il est la conclusion ; il signifie fiat ; c’est-à-dire, ainsi-soit, ainsi-soit-il. Les Hébreux avoient quatre sortes d’amen ; l’un entr’autres qu’ils appelloient l’amen juste, devoit être accompagné de beaucoup d’attention & de devotion ; c’est l’amen entendu dans le sens que nous venons de l’interpréter, lequel a passé dans toutes les langues sans aucune altération.

Quelques Auteurs prétendent que le mot amen n’est qu’un composé des lettres initiales de ces mots, adonaï melech neeman, Dominus rex fidelis, expression usitée parmi les Juifs, quand ils vouloient donner du poids & de l’autorité à ce qu’ils disoient. En effet, pour exprimer en abregé les mots אדוני מלך נאמן, adonaï, meleck, neeman, les Rabbins ne se servent que des lettres initiales, qui jointes ensemble forment réellement le mot אמן, amen.

Les Cabalistes Juifs, en suivant leur méthode de chercher des sens cachés dans les mots, méthode qu’ils appellent notaricon, forment avec le mot amen, la phrase entiere adonaï melech neeman. Voyez Notaricon.

D’un autre côté, il est certain que le mot amen se trouvoit dans la langue hébraïque, avant qu’il y eût au monde ni Cabale ni Cabalistes, comme on le voit au Deutéronome, ch. xxvij. v. 15. V. Cabale, &c.

La racine du mot amen est le verbe aman, lequel au passif signifie être vrai, fidele, constant, &c. d’où a été fait le nom amen qui signifie vrai ; puis du nom amen on a fait une espece d’adverbe affirmatif, qui placé à la fin d’une phrase ou d’une proposition, signifie qu’on y acquiesce, qu’elle est vraie, qu’on en souhaite l’accomplissement, &c. Ainsi, dans le passage que nous venons de citer du Deutéronome, Moyse ordonnoit aux Levites de crier à haute voix au peuple : maudit celui qui taille ou jette en fonte aucune image, &c. & le peuple devoit répondre amen ; c’est-à-dire, oui, qu’il le soit, je le souhaite, j’y consens. Mais au commencement d’une phrase, comme il se trouve dans plusieurs passages du Nouveau-Testament, il signifie vraiment, véritablement. Quand il est répété deux fois, comme il l’est toûjours dans S. Jean, il a l’effet d’un superlatif, conformément au génie de la langue Hébraïque, & des deux langues dont elle est la mere, la Chaldaïque & la Syriaque. C’est en ce sens qu’on doit entendre ces paroles : amen, amen, dico vobis. Les Evangélistes ont conservé le mot hébreu amen dans leur grec, excepté S. Luc qui l’exprime quelquefois par ἀληθῶς, véritablement, ou ναὶ, certainement. (G)