L’Encyclopédie/1re édition/ALISÉ
ALISÉ, adj. vents alisés, (Physiq. & Marine.) sont certains vents réguliers qui soufflent toûjours du même côté sur les mers, ou alternativement d’un certain côté & du côté opposé.
Les Anglois les appellent aussi vents de commerce ; parce qu’ils sont extrèmement favorables pour ceux qui font le commerce des Indes.
Ces vents sont de différentes sortes ; quelques-uns soufflent pendant 3 ou 6 mois de l’année du même côté, & pendant un pareil espace de tems du côté opposé : ils sont extrèmement communs dans la mer des Indes, & on les appelle moussons. Voyez Moussons.
D’autres soufflent constamment du même côté ; tel est ce vent continuel qui regne entre les deux tropiques, & qui souffle tous les jours le long de la mer d’orient en occident.
Ce dernier vent est celui qu’on appelle proprement vent alisé. Il regne toute l’année dans la mer Atlantique & dans la mer d’Ethiople entre les deux tropiques, mais de telle maniere qu’il semble souffler en partie du nord-est dans la mer Atlantique, & en partie du sud-est dans la mer d’Ethiopie.
Aussitôt qu’on a passé les isles Canaries, à peu près à la hauteur de 28 degrés de latitude septentrionale, il regne un vent de nord-est qui prend d’autant plus de l’est qu’on approche davantage des côtes d’Amérique, & les limites de ce vent s’étendent plus loin sur les côtes d’Amérique que sur celles d’Afrique. Ces vents sont sujets à quelques variations suivant la saison, car ils suivent le soleil ; lorsque le soleil se trouve entre l’équateur & le tropique du cancer, le vent de nord-est qui regne dans la partie septentrionale de la terre, prend davantage de l’est, & le vent de sud-est qui regne dans la mer d’Ethiopie, prend davantage du sud. Au contraire lorsque le soleil éclaire la partie méridionale de la terre, les vents du nord-est de la mer Atlantique prennent davantage du nord, & ceux du sud-est de la mer d’Ethiopie, prennent d’avantage de l’est.
Le vent général d’est souffle aussi dans la mer du sud. Il est vent de nord-est dans la partie septentrionale de cette mer, & de sud-est dans la partie méridionale. Ces deux vents s’étendent de chaque côté de l’équateur jusqu’au 28 & 30e degré. Ces vents sont si constans & si forts, que les vaisseaux traversent cette grande mer depuis l’Amérique jusqu’aux isles Philippines, en dix semaines de tems ou environ ; car ils soufflent avec plus de violence que dans la mer du Nord & dans celle des Indes. Comme ces vents regnent constamment dans ces parages sans aucune variation & presque sans orages, il y a des Marins qui prétendent qu’on pourroit arriver plûtôt aux Indes, en prenant la route du détroit de Magellan par la mer du sud, qu’en doublant le cap de Bonne-Espérance, pour se rendre à Java, & de là à la Chine. Mussch. Essais de Physique.
Ceux qui voudront avoir un plus ample détail sur ces sortes de vents, peuvent consulter ce qu’en ont écrit M. Halley & le voyageur Dampierre. Ils pourront aussi avoir recours au chapitre sur les vents, qui se trouve à la fin de l’essai de Physique de M. Musschenbroek, ainsi qu’aux traités de M. Mariotte sur la nature de l’air & sur le mouvement des fluides.
Pour ce qui est des causes physiques de tous ces vents, Voyez l’article Vent.
Le Docteur Lister dans les Transactions philosophiques a sur la cause de ces vents une opinion singuliere. Il conjecture que les vents tropiques ou moussons, naissent en grande partie de l’haleine ou du souffle qui sort d’une plante marine appellée sargossa ou lenticula marina, laquelle croît en grande quantité depuis le 36d jusqu’au 18d de latitude septentrionale, & ailleurs sur les mers les plus profondes : « car, dit-il, la matiere du vent qui vient du souffle d’une seule & même plante, ne peut être qu’uniforme & constante ; au lieu que la grande variété d’arbres & plantes de terre, fournit une quantité de vents différens : d’où il arrive, ajoûte-t-il, que les vents en question sont plus violens vers le midi, le soleil réveillant ou ranimant pour lors la plante plus que dans une autre partie du jour naturel, & l’obligeant de souffler plus fort & plus fréquemment ». Enfin il attribue la direction de ce vent d’orient en occident, au courant général & uniforme de la mer, comme on observe que le courant d’une riviere est toûjours accompagné d’un petit vent agréable qui souffle du même côté : à quoi l’on doit ajoûter encore, selon lui, que chaque plante peut-être regardée comme un héliotrope, qui en se penchant suit le mouvement du soleil & exhale sa vapeur de ce côté-là ; de sorte que la direction des vents alisés doit être attribuée en quelque façon au cours du soleil. Une opinion si chimérique ne mérite pas d’être réfutée. V. Courant.
Le Docteur Gordon est dans un autre système ; & il croit que l’atmosphere, qui environne la terre & qui suit son mouvement diurne, ne la quitte point ; ou que si l’on prétend que la partie de l’atmosphere la plus éloignée de la terre ne peut pas la suivre, du moins la partie la plus proche de la terre ne l’abandonne jamais : de sorte que s’il n’y avoit point de changemens dans la pesanteur de l’atmosphere, elle accompagneroit toûjours la terre d’occident en orient par un mouvement toûjours uniforme & entierement imperceptible à nos sens. Mais comme la portion de l’atmosphere qui se trouve sous la ligne est extrèmement raréfiée, que son ressort est relâché, & que par conséquent sa pesanteur & sa compression sont devenues beaucoup moins considérables que celles des parties de l’atmosphere qui sont voisines des poles, cette portion est incapable de suivre le mouvement uniforme de la terre vers l’orient, & par conséquent elle doit être poussée du côté de l’occident, & causer le vent continuel qui regne d’orient en occident entre les deux tropiques. Voyez sur tout cela l’article Vent. (O)