L’Encyclopédie/1re édition/ALICA

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 263-264).
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* ALICA, espece de nourriture dont il est beaucoup parlé dans les Anciens, & cependant assez peu connue des Modernes, pour que les uns pensent que ce soit une graine, & les autres une préparation alimentaire ; mais afin que le Lecteur juge par lui-même de ce que c’étoit que l’alica, voici la plûpart des passages où il en est fait mention. L’alica mondé, dit Celse, est un aliment convenable dans la fievre ; prenez-le dans l’hydromel, si vous avez l’estomac fort & le ventre resserré : prenez-le au contraire dans du vinaigre & de l’eau, si vous avez le ventre relâché & l’estomac foible. Lib. III. cap. vj. Rien de meilleur après la tisane, dit Aretée, lib. I. de Morb. acut. cap. x. L’alica & la tisane sont visqueuses, douces, agréables au goût : mais la tisane vaut mieux. La composition de l’une & de l’autre est simple ; car il n’y entre que du miel. Le chondrus (& l’on prétend que alica se rend en Grec par χόνδρος) est, selon Dioscoride, une espece d’épeautre qui vaut mieux pour l’estomac que le riz, qui nourrit davantage, & qui resserre. L’alica ressembleroit tout-à-fait au chondrus, s’il resserroit un peu moins, dit Paul Æginete : (il s’ensuit de ce passage de Paul Æginete, que l’alica & le chondrus ne sont pas tout-à-fait la même chose.) On lit dans Oribase que l’alica est un froment dont on ne forme des alimens liquides, qu’avec une extrême attention. Galien est de l’avis d’Oribase, & il dit positivement : « l’alica est un froment d’un suc visqueux & nourrissant. » Cependant il ajoûte : « La tisane paroît nourrissante… mais l’alica l’est. » Pline met l’alica au nombre des fromens ; après avoir parlé des pains, de leurs especes, &c. il ajoûte : « l’alica se fait de maïs ; on le pile dans des mortiers de bois ; on employe à cet ouvrage des malfaiteurs : à la partie extérieure de ces mortiers est une grille de fer qui sépare la paille & les parties grossieres des autres : après cette préparation, on lui en donne une seconde dans un autre mortier ». Ainsi nous avons trois sortes d’alica ; le gros, le moyen, & le fin ; le gros s’appelle aphairema ; mais pour donner la blancheur à l’alica, il y a une façon de le mêler avec la craie. Pline distingue ensuite d’autres sortes d’alica ; & donne la préparation d’un alica bâtard fait de maïs d’Afrique ; & dit encore que l’alica est de l’invention des Romains, & que les Grecs eussent moins vanté leur tisane, s’ils avoient connu l’alica. De ces autorités comparées, Saumaise conclut que l’alica & le chondrus sont la même chose ; avec cette différence, selon lui, que le chondrus n’étoit que l’alica grossier ; & que l’alica est une préparation alimentaire. On peut voir sa dissertation de komonym. hyles, iatr. c. 57.