L’Encyclopédie/1re édition/AFFABILITÉ

AFFABILITÉ, s. f. (Morale.) l’affabilité est une qualité qui sait qu’un homme reçoit & écoute d’une maniere gracieuse ceux qui ont affaire à lui.

L’affabilité naît de l’amour de l’humanité, du desir de plaire & de s’attirer l’estime publique.

Un homme affable prévient par son accueil ; son attention le porte à soulager l’embarras ou la timidité de ceux qui l’abordent. Il écoute avec patience, & il répond avec bonté aux personnes qui lui parlent. S’il contredit leurs raisons, c’est avec douceur & avec ménagement ; s’il n’accorde point ce qu’on lui demande, on voit qu’il lui en coûte ; & il diminue la honte du refus par le déplaisir qu’il paroit avoir en refusant.

L’affabilité est une vertu des plus nécessaires dans un homme en place. Elle lui ouvre le chemin à la vérité, par l’assurance qu’elle donne à ceux qui l’approchent. Elle adoucit le joug de la dépendance, & sert de consolation aux malheureux. Elle n’est pas moins essentielle dans un homme du monde, s’il veut plaire ; car il faut pour cela gagner le cœur, & c’est ce que sont bien éloignés de faire les grandeurs toutes seules. La pompe qu’elles étalent offusque le sensible amour-propre ; mais si les charmes de l’affabilité en temperent l’éclat, les cœurs alors s’ouvrent à leurs traits, comme une fleur aux rayons du soleil, lorsque le calme regnant dans les cieux, cet astre se leve dans les beaux jours d’été à la suite d’une douce rosée.

La crainte de se compromettre n’est point une excuse recevable. Cette crainte n’est rien autre chose que de l’orgueil. Car si cet air fier & si rebutant que l’on voit dans la plûpart des grands, ne vient que de ce qu’ils ne savent pas jusqu’où la dignité de leur rang leur permet d’étendre leurs politesses ; ne peuvent-ils pas s’en instruire ? D’ailleurs ne voient-ils pas tous les jours combien il est beau & combien il y a à gagner d’être affable, par le plaisir & l’impression que leur fait l’affabilité des personnes au-dessus d’eux ?

Il ne faut pas confondre l’affabilité avec un certain patelinage dont se masque l’orgueil des petits esprits pour se faire des partisans. Ces gens-là reçoivent tout le monde indistinctement avec une apparence de cordialité ; ils paroissent prévenus en faveur de tous ceux qui leur parlent, ils ne désapprouvent rien de ce qu’on leur propose ; vous diriez qu’ils vont tout entreprendre pour vous obliger. Ils entrent dans vos vues, vos raisons, vos intérêts ; mais ils tiennent à tous le même langage ; & le contraire de ce qu’ils ont agréé, reçoit, le moment d’après, le privilege de leur approbation. Ils visent à l’estime publique, mais ils s’attirent un mépris universel. Article de M. Millot, curé de Loisey, diocèse de Toul.