L’Encyclopédie/1re édition/ADONIES, ou FESTES ADONIENNES

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 141-142).

ADONIES, ou FESTES ADONIENNES, sub. f. (Myth.) qu’on célébroit anciennement en l’honneur d’Adonis favori de Venus, qui fut tué à la chasse par un sanglier dans les forêts du Mont Liban. Ces fêtes prirent naissance en Phénicie, & passerent delà en Grece. On en faisoit de semblables en Egypte en mémoire d’Osiris, Voici ce que dit Lucien de celles de Byblos en Phénicie : « Toute la Ville au jour marqué pour la solemnité, commençoit à prendre le deuil, & à donner des marques publiques de douleur & d’affliction : on n’entendoit de tous côtés que des pleurs & des gémissemens ; les femmes qui étoient les ministres de ce culte, étoient obligées de se raser la tête, & de se battre la poitrine en courant les rues. L’impie superstition obligeoit celles qui refusoient d’assister à cette cérémonie, à se prostituer pendant un jour, pour employer au culte du nouveau Dieu, l’argent qu’elles gagnoient à cet infame commerce. Au dernier jour de la fête, le deuil se changeoit en joie, & chacun la témoignoit comme si Adonis eût été ressuscité : la premiere partie de cette solemnité s’appelloit ἀφανισμὸς, pendant laquelle on pleuroit le Prince mort ; & la deuxieme εὔρεσις, le retour, où la joie succédoit à la tristesse. Cette cérémonie duroit huit jours, & elle étoit célébrée en même tems dans la basse Egypte. Alors, dit encore Lucien qui en avoit été témoin, les Egyptiens exposoient sur la mer un panier d’osier, qui étant poussé par un vent favorable, arrivoit de lui-même sur les côtes de Phénicie, où les femmes de Byblos, qui l’attendoient avec impatience, l’emportoient dans la Ville, & c’étoit alors que l’affliction publique faisoit place à une joie universelle ». S. Cyrille dit qu’il y avoit dans ce petit vaisseau des lettres par lesquelles les Egyptiens exhortoient les Phéniciens à se réjoüir, parce qu’on avoit retrouvé le Dieu qu’on pleuroit. Meursius a prétendu que ces deux différentes cérémonies faisoient deux fêtes distinctes qui se célébroient à différens tems de l’année, & à six mois l’une de l’autre, parce qu’on croyoit qu’Adonis passoit la moitié de l’année avec Proserpine, & l’autre moitié avec Venus. Les Juifs voisins de la Phénicie & de l’Egypte, & enclins à l’idolatrie, adopterent aussi ce culte d’Adonis. La vision du Prophete Ezechiel, où Dieu lui montre des femmes voluptueuses assises dans le Temple, & qui pleuroient Adonis, & ecce ibi sedebant mulieres plangentes Adonidem, ne permet pas de douter qu’ils ne fussent adonnés à cette superstition. Mém. de l’Acad. des Belles-Lettres. (G)