L’Encyclopédie/1re édition/ACRIDOPHAGES

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 113).

ACRIDOPHAGES, s. pl. dans l’Histoire ancienne a été le nom d’un Peuple qui, disoit-on, vivoit de sauterelles ; ce que veut dire le mot acridophages, formé de ἀκρις, sauterelles, & φάγω, manger.

On plaçoit les Acridophages dans l’Ethiopie proche des déserts. Dans le printems ils faisoient une grande provision de sauterelles qu’ils saloient & gardoient pour tout le reste de l’année. Ils vivoient jusqu’à 40 ans, & mouroient à cet âge de vers ailés qui s’engendroient dans leur corps. Voyez S. Jerôme contre Jovinien ; & sur S. Jean, cap. iv. Diodore de Sicile, lib. III. cap. iij. & xxix. & Strabon, lib. XVI. Pline met aussi des Acridophages dans le pays des Parthes, & S. Jérôme dans la Libye.

Quoiqu’on raconte de ces Peuples des circonstances capables de faire passer tout ce qu’on en dit pour fabuleux, il peut bien y avoir eu des Acridophages : & même encore à présent il y a quelques endroits du Levant où l’on dit qu’on mange des sauterelles. Et l’Evangile nous apprend que S. Jean mangeoit dans le désert des sauterelles, ἄκριδες, y ajoûtant du miel sauvage. Matth. cap. iij. v. 4.

Il est vrai que tous les Savans ne sont pas d’accord sur la traduction de ἄκριδες, & ne conviennent pas qu’il faille le rendre par sauterelles. Isidore de Peluse entre autres, dans sa 132e Epître, parlant de cette nourriture de S. Jean, dit que ce n’étoit point des animaux, mais des pointes d’herbes ; & taxe d’ignorance ceux qui ont entendu ce mot autrement. Mais S. Augustin, Bede, Ludolphe & autres, ne sont pas de son avis. Aussi les Jésuites d’Anvers rejettent-ils l’opinion des Ebionites, qui à ἄκριδες substituent ἔγκριδες, qui étoit un mets délicieux, préparé avec du miel & de l’huile ; celle de quelques autres qui lisent ἀχάριδες ou χάριδες, des écrevisses de mer, & celle de Beze qui lit ἄχραδες, poires sauvages.